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Herbert Blomstedt dirige les Berliner Philharmoniker dans Sibelius et Brahms

Doyen des chefs d'orchestre en activité, retrouve le public de la Philharmonie de Berlin dans un programme très contrasté associant l'ascétique Symphonie n° 4 de Sibelius et la riante Symphonie n° 3 de Brahms.

Il est vrai que l'entrée en scène du chef de 93 ans se fait à petits pas comptés, mais ses yeux pétillent de malice et de bonheur en se dirigeant vers l'estrade, heureux de se retrouver de nouveau face à la phalange berlinoise qu'il a déjà dirigée à maintes reprises. Si le public est clairsemé (jauge réduite), l'enthousiasme est bien présent. Pour ses retrouvailles tant attendues a choisi un programme somme tout assez classique, convoquant Sibelius et Brahms, dont il nous offre, ce soir, une interprétation d'une beauté toute apollinienne, irréprochable, parfaitement juste dans son exécution comme dans ses options interprétatives.

Le concert s'ouvre avec la douloureuse et sévère Symphonie n° 4 (1911) de Sibelius, symphonie du doute et du drame (Sibelius vient d'être opéré de la gorge) que certains ont pu assimiler à une musique « cubiste » par la sobriété du style et l'aridité de l'écriture. Blomstedt, économe de ses gestes et dirigeant sans partition, nous en livre une lecture épurée, décantée, au phrasé acéré. Contrebasses et violoncelle solo (Ludwig Quandt) donnent le ton du premier mouvement, Tempo moderato, porté par un lyrisme plein de mystère et un prégnant sentiment d'attente, interrompu par les soubresauts et les stridences des vents ; paysage désolé d'une musique qui se disloque, réduite à des lambeaux instrumentaux où le chef valorise les performances solistiques par la netteté des plans sonores et la clarté de la texture. Dans le second mouvement annoncé par la complainte du hautbois, le phrasé se creuse encore dans un dialogue tendu entre petite harmonie et cordes, bientôt réunies dans un crescendo empreint de menaces où le drame n'est pas loin. Le Largo pousse l'épure à son comble par son climat déshumanisé, quasi primitif, peuplé d'ombres (basson, violoncelles, petite harmonie) avant un Finale recrutant successivement tous les pupitres dans une péroraison tendue et dissonante imprégnée d'un saisissant sentiment d'urgence qui ne trouvera sa résolution que dans le silence.

Bien différente la Symphonie n° 3 (1883) de Brahms déroule une atmosphère plus apaisée. Contrairement à certaines lectures d'une lourdeur accablante, germaniques notamment, fait « chanter » Brahms, nous en proposant une interprétation pleine d'allégresse, affinant les masses sonores, parfois teintée de mélancolie, dans un mélange complexe caractéristique du compositeur. Conquérant, le premier mouvement, Allegro con brio, affiche de belles nuances sur une dynamique pleine d'allant. Blomstedt en allégeant la texture fait valoir, là encore, toutes les qualités individuelles des Berliner (cordes, clarinette de Wenzel Fuchs et petite harmonie) sans sacrifier en rien la cohésion orchestrale. L'Andante fait la part belle aux bois tandis que le troisième mouvement, Poco Allegretto rappelle les talents de mélodiste de Brahms, ainsi que la qualité superlative du pupitre de violoncelles de la phalange berlinoise. Très rythmique et engagé l'Allegro final conclut avec bonheur ce beau concert dans un mélange de solennité (cuivres) et de jubilation, bien venue par les temps qui courent…

Crédit photographique : Herbert Blomstedt © Mark Allan

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