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Jakub Józef Orliński aux Champs-Élysées : un séducteur bien chantant

Après une si longue période de fermeture des théâtres, le format du concert vocal connaît un regain par sa durée très adaptable et c'est l'occasion, pour le Théâtre des Champs-Élysées dans les cadre des Grandes Voix, de permettre au contre ténor de se produire dans un programme riche et enthousiasmant donné sur deux soirées successives.

Le chanteur débute ce concert par un extrait de Tolomeo («Stille amare») qui laisse apparaître son travail sur la rondeur du timbre et la droiture de son émission vocale. La prononciation est déliée, et il parvient à distiller un certain relief au récitatif. Les registres sont élégamment soudés, avec une fusion imperceptible entre voix de tête et registre de poitrine. « Un zeffiro spiro » permet au timbre de se parer d'un sourire charmeur dans la souplesse agile de l'écriture vocal. Le concerto en do mineur de Pietro Antonio Locatelli est d'un rythme enlevé et structuré comme une phrase construite d'un seul tenant.

Ensuite, Haendel se taille la part du lion avec un « Cara sposa » où Orliński essaye de corser le timbre, rendant le style de l'air moins élégiaque et moins plaintif qu'à l'accoutumée, l'orientant plutôt vers une rage douloureuse avec une ornementation dans la reprise discrète et légèrement modulante. En revanche, et c'est là certainement une histoire de goût, le chanteur paraît moins précis dans la vocalisation avec des phrases qui le découvrent à bout de souffle et un rien fatigué dans le « Furibondo spira il vento », ce qui donne une caractérisation un peu brouillonne de l'air, fini néanmoins avec une coda originale. Le Ballo dei Bagatellieri concertant est enjoué et permet au chanteur de se reposer avant d'autres extraits de Tolomeo (« Torna sol per un momento », « Cielo ingiusto ») où la messa di voce se fait lumineuse et c'est finalement dans la tranquillité des airs languides que le chanteur paraît le plus doué.

La fin de ce programme donne l'occasion rare d'entendre des airs peu connus. « Finche salvo è l'amor suo » du Scipione il giovane de Luca Antonio Predieri est un air fluide faisant appel aux notes de poitrine timbrées et bien sonores et aux rubati que s'autorise le chanteur mettant en valeur certains incises musicales. « Che m'ami ti prega » du Nerone de et de est un air de caractère, intelligemment construit autour du tempérament narquois et sarcastique du personnage, jusque dans la conclusion finale de l'air qui emporte entièrement l'adhésion d'un public conquis.

En bis, deux airs (« Agitato da fiere tempeste », « Chi scherza con amor ») avec la reprise du Furibondo auquel il extrapole une coda fournie suscitent le désir de venir l'écouter à nouveau.

Crédit photographique : Jakub Józef Orliński © Jiyang Chen

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