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La passion de Tomás Luis de Victoria selon Jordi Savall

Grand spécialiste de l'art musical espagnol, revient à avec un nouvel album consacré aux Offices de la semaine sainte : une œuvre d'une grande force spirituelle et d'une beauté pure, portée par une interprétation émouvante et passionnée.

, né près d'Avila en 1548, demeure le plus grand polyphoniste de la Renaissance espagnole. Après avoir fait ses premières études musicales en Espagne, il est envoyé à Rome à l'âge de 17 ans au Collegium Germanicum où il se rapproche de Palestrina. Il exerce alors des fonctions de maître de chapelle et d'organiste et enseigne la musique au séminaire romain où il succède à Palestrina. Sa première composition d'importance, Officium hebdomadæ sanctæ, publiée en 1585, est un recueil de musique qui couvre toute la semaine sainte, riche de Répons, Passions et Lamentations. Cette œuvre dans son ensemble est d'une grande complexité, porteuse d'une incroyable richesse polyphonique. Victoria pousse à l'extrême sa propre couleur harmonique, guidée par les textes des versets, ce qui apporte un relief tant rythmique que polyphonique. Ces compositions du siècle d'or espagnol sont à rapprocher de la littérature contemporaine de Thérèse d'Avila et de Saint-Jean de la Croix ainsi que de la peinture, en particulier celle de Velasquez. Ce n'est pas une musique de spectacle, mais portée par un élan, un grand geste d'intériorité et de passion de l'âme souffrante en quête d'espérance.

Les 3 SACD de l'album déroulent la Passion du Seigneur Jésus-Christ, depuis le dimanche des Rameaux en faisant suivre les différents Nocturnes du jeudi saint et des Lamentations de Jérémie. Se succèdent Six Répons de ténèbres, et des Chants de Laudes. Le centre de l'œuvre est représenté par les pièces pour le Vendredi saint sur le même principe de Répons et de Lamentations. L'office du même jour se termine par une Adoration de la croix. Le dernier volet le l'Office de la semaine sainte est composé pour le Samedi saint. Les Laudes qui s'inscrivent à la fin de chaque journée rassemblent des Psaumes et des Hymnes. On remarquera en particulier le magnifique Pange Lingua Mozarabe écrit par des chrétiens vivant dans le monde arabe d'El-andalous et repris par de nombreux compositeurs. Certains versets enfin comme le Sepulto Domino, neuvième répons du Samedi saint sont d'une émotion extrême et d'un grand recueillement : Sentir le corps du Christ tombant dans le sépulcre, dernier geste avant la résurrection.

Après un premier album très remarqué et consacré au Cantica Beatae Virginae publié en 1991, renoue avec l'art sublime de Victoria. Captée lors des concerts du Festival de Salzbourg de l'été 2018, le chef catalan s'entoure une nouvelle fois de ses fidèles musiciens de et de Hesperion XXI. Le chant grégorien monodique qui se glisse tout au long de l'œuvre, tel un fil conducteur parmi les versets polyphoniques, est somptueusement assuré par Andrés Montilla-Acurero. lluis Villamajo a patiemment préparé l'ensemble vocal suivant les règles du chant ancien. La couleur méridionale des voix apporte une authenticité palpable qui fait de cette version une référence tant musicale qu'historique.

Cet album est l'expression du génie d'un compositeur révélée par un guide musical qui a su, par ses travaux de recherche, retrouver les gestes enfouis dans les différents textes du passé.

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