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Un plaidoyer pour la planète au Festival Radio France Occitanie Montpellier

L'avenir de notre planète et sa préservation était au cœur de la programmation du le week-end des 24 et 25 juillet.

De la musique, des mots et des images pour l'avenir du monde

La préoccupation environnementale qui passe par les sujets évoqués quotidiennement que sont la transition écologique, la biodiversité, le plan climat, n'est pas étrangère au monde musical et ses acteurs. Le Festival Radio France a voulu le démontrer en choisissant de consacrer deux jours à une sensibilisation par l'art musical à ce qui est devenu un enjeu primordial et vital pour notre terre, pour tous ceux qui la peuplent et qui jouissent de sa nature et de ses beautés. Wonderful World, Ode to Nature, est un programme musical conçu par le violoncelliste , associant l'image et le récit, « Une ode à la nature et un hymne au partage » présentés comme un « voyage sensoriel » qui a pour objectif de participer à éveiller les consciences. Membre d'un collectif d'artistes engagés pour servir cette cause, le musicien organise chaque année un « concert pour la planète », dont les fonds récoltés sont versés à la Fondation Good Planet pour des projets d'envergure. Ses partenaires sont ce jour-là le pianiste , la récitante et le photographe et vidéaste Yann Arthus-Bertrand, via les images dont il est l'auteur.

La grande Salle Pasteur du Corum de Montpellier s'est remplie de public en ce samedi après-midi. Un écran géant surplombe la scène, où les artistes ont pris place autour du piano. En introduction le violoncelliste joue le Prélude de la Suite n° 1 pour violoncelle seul BWV 1007 de Johann Sebastian Bach. Puis Après un rêve de Gabriel Fauré, dans un arrangement pour violoncelle et piano, sonne avec nostalgie sur les vues aériennes de lacs et volcans, splendeurs terrestres qui suscitent l'« Émerveillement », titre donné à cette séquence. Le propos est structuré en sept séquences, suivant une progression logique : viennent ensuite « Le cri de la Terre et le cri des hommes » (III), « Interdépendance de la Nature et des Hommes » (IV), « Prise de conscience »(V), « Louange » (VI) et « Perspectives et éveil » (VII). Les musiques se succèdent, éclectiques, collant à la fois aux images et aux textes dits par , de Bach à Harold Arlen, en passant par Ravel, Fazil Say, Saint-Saëns, Mancini, Gershwin, Messiaen, Armstrong. « La Maison brûle et nous regardons ailleurs » la récitante cite désespérément Jacques Chirac sur des images de sécheresse désertique. Elle se souvient : « J'ai tenu l'odeur des saisons dans mes mains » (Anna de Noailles – L'Offrande à la Nature), tandis que nous plongeons nos yeux dans les couleurs des feuillages, des champs…Une barque sur l'océan de Maurice Ravel somptueusement jouée par , nous fait voyager des glaciers alpins au Mékong. Le Cygne de Camille Saint-Saëns et le Vol du Bourdon de Nikolai Rimski-Korsakov (arrangé pour violoncelle et piano) illustrent la biodiversité, tandis que énumère les espèces en voie de disparition. Comment faire passer le message ? C'est la question que les protagonistes de ce concert tentent de résoudre, considérant qu'elle participe de leur mission d'artistes. Le but ici n'est donc pas de servir un public gourmand d'un répertoire musical déterminé, classique, jazz, ou autre, mais de mêler les genres, de parler à tous par la musique, en touchant la corde sensible de l'émotion. De la Valse Sentimentale de Tchaïkovski à Moon River, de Summertime à What a wonderful world, arrangés pour piano et violoncelle, même objectif ! Au cœur de ces musiques « populaires », La louange à l'Éternité de Jésus extrait du Quatuor pour la Fin du Temps d', arrive comme un sublime moment suspendu, de prière et d'élévation, en écho à la dernière encyclique du Pape François et aux écrits de Baudelaire. 

Les images de notre belle nature, et celles de destruction, de désertification, ou d'urbanisation débridée allant jusqu'à gagner sur la mer et le ciel, se télescopent, s'entrechoquent. La musique chante les merveilles perdues ou menacées… mais aussi l'espérance, nous mettant sur un chemin de résilience. Celle de et accompagnée des paroles profondes et explicites prononcées par Julie Depardieu puisse-t-elle aider chacun à faire « son propre cheminement » face au devenir incertain de notre planète et de l'humanité.

L'univers discret et raffiné de

Le dimanche 25 juillet était lui aussi consacré à l'évocation de la nature, enchaînant quatre concerts thématiques au Parc Départemental du Château d'O. Le jeune pianiste , peu connu du public français, a donné son premier récital au Festival Radio France à l'Amphithéâtre des Micocouliers, scène extérieure aménagée non loin du château, entourée de gradins à la mi-ombre d'un bouquet d'arbres. Il est quinze heures trente et il fait une chaleur de plomb. a pris le soin de composer un programme pertinent, raffiné et harmonieux. Nous découvrons sa sensibilité attachante dans les Scènes de la forêt op. 82 de , une musique à laquelle il ne donne aucune prétention sinon celle, poétique, d'émouvoir par sa simplicité, son ingénuité, sa tendresse. Eintritt (Entrée) instaure une atmosphère nostalgique qui trouvera son écho dans la dernière pièce Abschied (Adieu), empreinte d'une douce mélancolie. Le pianiste sait faire affleurer toutes les subtilités de ces miniatures, dans une économie d'expression, de gestes, avec une forme de discrétion qui en révèle le sentiment authentique, la profondeur. Il nous convie dans le monde intérieur de Verrufene Stelle (Lieu maudit), et celui si délicatement stylisé de L'Oiseau Prophète, joué telle une divine apparition. Suit Nuages gris de Liszt, cette étrange et sombre pièce tardive du compositeur, auquel l'interprète enchaîne sans quasiment aucune interruption Feuilles Mortes de (Livre II des Préludes), révélant une parenté insoupçonnée entre les deux pièces, si proches dans leurs couleurs et leur mystère. Trois autres préludes de Debussy, La terrasse des audiences du clair de lune et Ondine (Livre II), puis Ce qu'a vu le vent d'Ouest (Livre I) donnent un aperçu de toute la finesse du jeu de ce pianiste, aucunement démonstratif, mais constamment dans la recherche de sonorités, la conception d'un univers poétique hors du monde, hors du temps, voyageant dans les contrées lointaines et impalpables du rêve. D'Ondine et ses insaisissables éclaboussures aux rafales soudaines de Ce qu'a vu le vent d'Ouest, l'évocation des éléments, sublimés dans leurs reflets, appartient ici au domaine de la suggestion. Gabriel Stern dévoile enfin l'étendue de son art dans Le Courlis cendré d', le parant d'un arc-en-ciel de couleurs choisies, faisant briller ses trilles jubilatoires, écoutant ses résonances, imaginant son espace comme un paysage. 

Le pianiste nous a donné une heure de musique dont nous avons perçu la beauté en dépit des conditions extérieures rudes et peu propices : directement à l'aplomb de nos têtes, les cigales, criquets et grillons en tout genres rivalisant de vacarme ont perturbé parfois considérablement l'écoute, comme celle de Nuages gris, obligeant à une forte concentration pour tenter d'en faire, en vain, abstraction. Et puis la chaleur, intense, incommodante, épuisante… L'organisation du festival devrait songer au confort de l'artiste et du public essentiel pour apprécier la magie de l'instant musical. Malgré cela, on aura su apprécier le talent discret et raffiné de Gabriel Stern. 

Crédits photographiques © Luc Jennepin, Gabriel Stern © Jany Campello

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