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La Passion dans l’Allemagne du XVIIe siècle par l’Ensemble Correspondances

Cet enregistrement est la première incursion de l' en terres nordiques. Après la France de Louis XIII et Louis XIV, et la remarquée Messe à quatre chœurs de M.A. Charpentier, nous emmène du côté des musiques de déploration dans l'Allemagne du XVIIᵉ siècle.

En 1680, est au faîte de sa gloire lorsqu'il écrit un cycle de cantates pour le temps de la Passion, dédié à son ami Gustav Düben, maître de chapelle du roi de Suède. Intitulées Membra Jesu Nostri (Les membres de Notre-Seigneur Jésus), ces sept cantates constituent des méditations sur les plaies du Crucifié, depuis les pieds jusqu'à la face. Chacune des cantates s'ouvre et se referme sur une citation biblique à la manière d'un concert spirituel d'une grande intensité expressive, comme autant de sommets d'un mysticisme ardent. Une génération plus tôt, compose à Dresde Da Jesus an dem Kreuze stund, compilation des sept dernières paroles du Christ en Croix, entre style italianisant et tradition luthérienne.

Pour compléter ces deux chefs-d'œuvre de la piété protestante, a choisi des concerts spirituels évoquant le temps du deuil. On découvre le Lamento du suédois Lüdert Dijkman, écrit pour les funérailles des deux jeunes fils du roi de Suède. Et c'est le versant privé du deuil qu'illustre le poignant Klag-Lied écrit par Buxtehude à l'occasion du décès de son père en 1674, d'une intensité dramatique inégalée.

Les Membra Jesu Nostri font penser à ces tableaux de l'époque baroque où le drame sacré se déroule sous nos yeux. Dans l'introduction de la cantate Ad manus (Aux mains), les voix semblent littéralement saisies de sidération devant les plaies évoquées par les douloureux chromatismes des violons. De même, dans l'introduction de Ad cor (Au cœur), le verset du Cantique des cantiques (Vulnerasti) est un sommet d'expression planante. Le contraste de tempo avec les arias qui suivent est voulu, mais peut-être un peu trop marqué.

Dans les Sept paroles du Christ, Schütz fait cohabiter la polyphonie à cinq voix au début et à la fin de l'œuvre avec un style récitatif plus italianisant dans les interventions solistes. Mais le sommet d'expressivité de ce programme est atteint avec le Klag-Lied de Buxtehude, chanté par l'excellente : un ambitus de presque deux octaves pour une ligne mélodique d'une intense expressivité. Le continuo varie l'accompagnement par l'ajout successif d'instruments tout au long des sept strophes, cependant que la voix ornemente subtilement le chant. Le tremolo des cordes est particulièrement réussi, ainsi que la réalisation à l'orgue qui propose un discret contre-chant dans les derniers versets. Le choral de Luther Mit Fried und Freud qui suit permet aux instruments de tresser des guirlandes de mélismes autour du cantus firmus chanté à l'unisson. Pour terminer le programme, un dernier choral de Buxtehude, Herzlich lieb hab ich dich, O Herr, illustre la richesse d'écriture du compositeur pour habiller la mélodie du choral et fait alterner chœur de solistes et ripieno vocal pour nous conduire vers la consolation.

Chanteurs et instrumentistes sont ici au sommet de leur art pour servir au mieux ce répertoire d'une beauté austère, dans une remarquable lisibilité du texte. Signalons aussi l'intérêt du commentaire de Peter Wollny qui accompagne les deux disques.

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