- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Le souffle revigorant de l’édition Peter Maag chez Decca Eloquence

Né d'un père pasteur et d'une mère violoniste qui collabora avec le Quatuor Capet, (1919-2001) débuta une carrière de pianiste tout en obtenant un doctorat de philosophie consacré à Spinoza. Alfred Cortot, à l'Ecole normale de Paris, mais aussi Arturo Toscanini et Wilhelm Furtwängler sous la direction desquels il se produisit, l'incitèrent à travailler la direction d'orchestre. Ce coffret nous rappelle l'étonnante carrière du musicien, hélas bien méconnu aujourd'hui.

L'œuvre de Mozart fut au cœur du répertoire de Maag et Decca fut bien inspiré de lui confier quelques sessions d'enregistrements de symphonies et sérénades. La collaboration se poursuivit, révélant l'intelligence musicale de sa direction. Comment la définir ? Les symphonies et sérénades que nous entendons séduisent d'emblée par leur clarté, leur légèreté et une carrure assurée. Maag porte un soin tout particulier à l'articulation, à la transparence du phrasé. Sa conception est proche, à la même époque, d'un Cantelli. Maag applique aussi certains principes des chefs « musicalement informés », en termes d'attaques et d'accents : ils ne sont jamais appuyés et pourtant d'une franchise et d'un naturel remarquables. Que ce soit la Sérénade Posthorn ou bien les cinq symphonies de Mozart, le caractère est avant tout théâtral et jubilatoire comme dans la délicatesse des phrasés de la Symphonie n° 29 ou bien le panache des cuivres dans la Symphonie n° 34. La direction est à la fois brillante sans être superficielle. Decca publia déjà dans un coffret “Decca Sound” les Symphonies n° 28, n° 29 et n° 34. La Sérénade Posthorn fut disponible chez Testament.

Maag tire le maximum des orchestres qui lui sont confiés. À l'efficacité virtuose et la souplesse du Symphonique de Londres répondent les timbres caractéristiques de la Suisse Romande. Qui plus est, les splendides prises de son Decca restituent la matière sonore avec une projection du son qui n'est jamais écrasée (petit bémol avec le Concerto pour clarinette dont les premières mesures ne tournent pas à la bonne vitesse !). La sonorité enveloppante, d'une épaisseur très “romantique” de l'instrument de Gervase de Peyer fait écho au cor du génial , incontournable dans les quatre concertos pour cor. Tout comme le sont les concertos pour piano n° 13 et n° 20 de Mozart parus dans l'intégrale Katchen de Decca.

Le premier romantisme, celui de Mendelssohn, est tout aussi essentiel dans la discographie de Maag. La Symphonie Ecossaise, la musique de scène du Songe d'une nuit d'été explorent une beauté fruitée et dansante. Maag privilégie la légèreté du mouvement et la clarté de l'architecture sans que cela soit au détriment de la densité dramatique. Le chef agit en coloriste aussi bien dans le ballet La Source de Delibes que dans les ouvertures de Rossini, piquant à souhait, avec les pupitres délicats et si timbrés de la Société des Concerts du Conservatoire. Un régal ! On sera plus mitigé avec les concertos de Tchaïkovski et de Grieg avec, en soliste, Peter Jablonski. L'abattage du clavier est compensé par la finesse de l'écoute de Maag. Peu de dialogue, en vérité, surtout dans le Tchaïkovski. Les rares concertos italiens (Bellini, Salieri, Cimarosa et Donizetti) mettent valeur la sonorité fruitée de Holliger. Le plus inventif des quatre compositeurs demeure Cimarosa et Maag se révèle une fois encore, un accompagnateur hors pair. On le retrouve dans un Concerto pour violon sanguin de Dvořák et un Tzigane lumineux de Ravel. Edith Peinemann possède une sonorité plus chambriste que concertante (au contraire de sa gravure avec Hans Müller-Kray et l'Orchestre de la SWR) et un style un peu vieillot aussi, qui contraste avec la vivacité de la Philharmonie Tchèque. Réédités pour la première fois en CD, les concertos de Schumann et celui en fa mineur de Chopin par Fou Ts'ong sont une grande déception. Comment a-t-on pu égarer les bandes Westminster captées en 1962 et proposer à l'écoute, une pâle mono à peine acceptable deux ou trois décennies plus tôt ?

Le ténor héroïque danois débuta au Metropolitan Opera en 1966 dans Tristan. Deutsche Grammophon lui fit graver opportunément un programme au moment où il allait apparaître dans Siegfried, à Covent Garden et sous la baguette de Solti. Superbe voix, d'une luminosité remarquable dans cette édition d'airs wagnériens enrichis d'un extrait de Fidelio et du Freischütz, qui ne firent pas partie de la première parution en LP. La Leonora de – musicien appelé par Napoléon Ier et qui fut, par la suite, directeur de la musique sous Louis-Philippe – bénéficie d'une captation excellente. Maag unifie les styles allemands, français et italiens – accentuant le caractère mozartien de l'ouvrage – et s'appuyant sur une distribution emmenée par Siegfried Jerusalem, Urszula Koszut et Edita Gruberova. En 1976, Luisa Miller de Maag bénéficie d'une en pleine possession de ses moyens. Le rôle de Luisa qu'elle porte depuis une décennie est équilibré par le Miller de d'une grande puissance dramatique. Le Rodolfo de Pavarotti se révèle d'une fantaisie et d'un charme irrésistibles. Maag sait faire fusionner les voix qu'il porte avec une énergie solaire.

(Visited 849 times, 1 visits today)
Partager