Prolongement écrit des « pèlerinages Bach » que Gilles Cantagrel organisait en Thuringe et en Saxe, le livre Sur les traces de J.-S. Bach est une nouvelle pierre ajoutée à l'édifice dressé par le musicologue pour le public francophone.
Faisant un pas de côté par rapport à ses parutions précédentes centrées sur l'homme ou sur son œuvre, le musicologue a choisi de s'attacher aux traces encore existantes de Johann Sebastian Bach, qu'elles soient physiques (les lieux qu'il a habités et fréquentés, sa sépulture…), humaines (sa famille) ou immatérielles (la mémoire de sa personne et de son œuvre au long des 250 dernières années).
Tout au long de seize chapitres thématiques, Gilles Cantagrel s'efforce de faire le point sur l'état des connaissances actuelles et offre au lecteur une prose d'une intelligibilité remarquable, dont la seule imperfection, minime et assumée, réside dans le nombre important de redites. Mais l'essentiel est que, comme il nous y a habitués, l'auteur étaie toujours son propos sur les sources et les études les plus solides, notamment germaniques et anglo-saxonnes (en témoigne un apparat critique conséquent). Et, en véritable scientifique, Gilles Cantagrel ne manque jamais de faire la part de ce qui, dans les mille faits que l'on rapporte à propos du Cantor de Leipzig, est certain, probable, plausible, hypothétique, improbable, ou carrément faux.
Toutes les informations apportées ne sont pas nouvelles, loin de là, mais la perspective est originale : il s'agit ici pour l'auteur de traquer les erreurs que l'on lit ou entend trop souvent à propos du musicien, et de tordre le cou à certaines idées reçues à la vie dure. Certains passages, bien que captivants, peuvent paraître quelque peu anecdotiques, tels ceux visant à réfuter l'idée qu'Ana Magdalena aurait fini sa vie dans la misère (chapitre 7 « Le lamentable état de veuve ») ou que Johann Sebastian Bach n'aurait plus de descendance aujourd'hui (chapitre 12 « De Johann Sebastian a nos jours »). Mais d'autres font le point sur des questions autrement importantes et inspirantes, notamment le prétendu oubli dans lequel serait tombée la musique de Bach et qu'une centaine de pages s'attachent avec succès à réfuter. De très bons chapitres sont également consacrés aux sujets des manuscrits de Bach, de sa foi, ou encore de son rôle de pédagogue, avec toujours de judicieux exemples musicaux. Même s'il ne s'agit pas ici d'une biographie complète ni d'une étude musicologique, on sort de cette lecture avec l'impression de bien mieux connaître le musicien, sa famille, son environnement et sa musique, et surtout de mieux comprendre le phénomène qu'il constitue et n'a en réalité jamais cessé de constituer.
Talent, travail et rigueur : trois qualités que « Sebastian » lui-même plaçait très haut et qui ont manifestement présidé à l'écriture de ce livre.