La réédition par Eloquence de ce double album issu du fonds DG rend un hommage mérité à la violoniste hongroise Johanna Martzy dont la carrière trop courte ne fut pas aussi brillante qu'elle l'aurait du. L'insolite complément rappelle aussi la figure de l'altiste Michael Mann.
Johanna Martzy (1924-1979) était une violoniste hongroise, élève du grand virtuose et compositeur Jenő Hubay, dont la carrière trop brève laisse trop peu de témoignages discographiques. Après des débuts triomphants, elle enregistra quelques disques pour DG, tous réunis sur ce double album avant de céder aux sirènes de Walter Legge qui l'attira chez EMI mais s'en désintéressa vite. Des campagnes calomnieuses initiées par les communistes qui lui reprochaient son passage à l'Ouest, puis une mort prématurée due à un cancer ont un peu rejeté dans l'ombre une grande musicienne.
Il suffit d'entendre les deux concertos qui ouvrent le premier CD pour s'en convaincre. Celui d'Antonín Dvořák, accompagné par son compatriote, lui aussi disparu prématurément, Ferenc Fricsay, s'impose avec un panache sans égal et un éclat éblouissant malgré une prise de son trop agressive. Et le Quatrième de Mozart, cette fois accompagné avec tendresse et élégance par l'immense Eugen Jochum, dégage une émotion bouleversante. Deux sonates, l'une de Mozart l'autre de Beethoven, témoignent ensuite de son sens du classicisme viennois en compagnie de son accompagnateur habituel Jean Antonietti. De quelques pièces de virtuosité, habituelles à l'époque de ces gravures, on retient surtout le rare diptyque Notturno et Tarantella de Szymanowski, qui allie panache et hauteur de vue.
Les compléments, qui figuraient sur les premiers pressages des disques de Martzy, dus à l'altiste Michael Mann (1919-1977), fils du grand écrivain Thomas Mann, tranchent esthétiquement. La sonate de Křenek (accompagnée par Yaltah Menuhin) illustre bien l'aridité habituelle du compositeur viennois, tandis que celle de Honegger n'est curieusement pas en reste de sévérité, même si son langage est plus immédiatement accessible. Seuls les quatre visages de Darius Milhaud se déroulent dans un climat plus enjoué et facile, même s'il ne s'agit pas de grands chefs d'œuvre du compositeur français.