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Le son et les sortilèges au Festival d’Automne avec l’EIC

est à la tête de l' pour ce concert où deux personnalités singulières du monde de la contemporaine (présentes dans la salle) sont à l'affiche : l'Australienne trop peu jouée en France et le Britannique qui revient avec une nouvelle pièce en création française.

Le sifflement qui provient des coulisses n'est pas encore de la trompette. Dans Wild Winged-One (« Ailé sauvage ») de , Clément Saunier a une sorte d'appeau collé sur le palais et nous surprend, trompette aux lèvres, dans une entrée en scène très théâtrale. La trompette chante magnifiquement dans cette pièce sous-titrée Aria, mais ne fait pas que cela, entendue sous tous les tons et à travers tous les modes d'émission : souffle, sifflet, slap, râles, etc. Étrange également dans ce monologue virtuose, la répétition obstinée du mot « inside » par le trompettiste, agissant comme le fil rouge d'une dramaturgie cachée. Cet « ailé sauvage » n'est autre qu'un des personnages de son opéra, The Navigator, confie . La trompette est toujours en vedette, mais bouchée cette fois, dans Veil (Voilé) pour ensemble, une pièce déjà ancienne (1999) donnée en création française. La fulgurance des lignes fait éclater l'espace au sein d'un univers chaotique traversé de stridences et d'appels sauvages, entre timbre pur et matière saturée : à l'image sans doute de cette « plénitude bouleversante » dont nous parle la compositrice dans sa note d'intention et que les solistes de l'EIC nous communiquent à travers l'énergie du son et le maelström des couleurs.

Fervent de l'œuvre longue – on se souvient de Tanz/haus : triptych entendue en 2019 – conçoit Pharmakeia sur une durée de 50 minutes. C'est une co-commande de l'EIC et du London Sinfonietta qui l'a créée en novembre 2020. Son titre emprunte au Grec ancien – Pharmakeia peut être traduit par drogue, poison ou sortilège – comme ceux de ses mouvements : Temenos (1) désigne le sanctuaire, l'espace sacré et Circe est la magicienne experte en sorcellerie et métamorphoses qui hante le troisième mouvement. L'œuvre convoque deux pianos se faisant face, à cour et à jardin, et place la contrebasse au centre du dispositif, devant le tuba basse très actif. Les quatre mouvements débutent et s'achèvent dans le noir, s'inscrivant sur une temporalité étirée aux allures de rituel. La musique est minérale et hiératique dans « l'hymne » qui débute l'œuvre, ponctué par les interventions du trombone en sourdine wah-wah. Les images défilent ensuite, ou se figent en un kaléidoscope sonore aux facettes toujours finement texturées. Le processus est celui de la variation qui maintient la tension de l'écoute et assure le renouvellement constant des espaces, de la transparence des claviers résonants (comme ce vibraphone avec moteur qui referme Temenos) aux sonorités opaques et abyssales à la Messiaen. L'œuvre est belle dans ses détours obscurs et la magnificence de ses timbres – les somptueuses images spectrales (ou fantomatiques) de Circe – que détaille avec minutie et élégance sous un geste à la fois sobre et précis. Le quatrième et dernier mouvement (strophe b) est éminemment sombre et lancinant où la résonance des cloches tubes avive les sensations de cet « éternel étrange » que le compositeur semble appeler de ses vœux.

Crédit photographique : Veil de Liza Lim © EIC

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