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Le Ballet du Capitole inspiré par Toulouse Lautrec

La nouvelle création tant attendue de pour le Ballet du Capitole s'inspire de la vie de Toulouse-Lautrec et de ses relations avec les femmes. Un ballet impressionniste qui dessine par touches successives, avec les solistes et le corps de ballet, un portrait sensible et flamboyant du Paris de la Belle Époque.

Directeur de la danse au Théâtre du Capitole et infatigable chef de troupe, Kader Belarbi a longtemps espéré le moment de livrer au public sa vision de Toulouse-Lautrec, le peintre du début du XXᵉ siècle amateur de femmes, de danse et de plaisirs. Pour cette nouvelle et superbe production du Ballet du Capitole, il a su s'entourer d'artistes talentueux, mettant leur art au service du spectacle et du personnage. C'est le cas notamment de qui a composé la musique, interprétée sur scène par l'accordéoniste Sergio Tomasi et le pianiste Raùl Rodriguez.

Dès le prologue du ballet, sait créer une atmosphère particulière, douce et intime, avec les trois coups frappés par un Monsieur Loyal très parigot, des loges d'avant-scène éclairées façon cabaret abritant piano et accordéon, ou ces gigolettes qui battent le pavé…. avant de rejoindre les hommes pour s'élancer dans la danse. Dans sa mise en scène, le chorégraphe adopte d'emblée le point de vue de Toulouse-Lautrec, homme empêché. Peintre, Lautrec observe ses modèles, poupées désarticulées et manipulées par des hommes, pour mieux les transfigurer dans ses tableaux. La maladie qui brisa ses deux jambes est évoquée dans une très belle scène avec des cannes pointées autour de lui, figurant les multiples aiguilles de la douleur. Tout au long du ballet, le personnage évoluera au rythme de la claudication, alternant entre économie de mouvement et élans dansés allant jusqu'à la pirouette. Une prouesse du danseur étoile Ramiro Gòmez Samón, à l'intense présence, qui ne quitte pas la scène pendant les presque deux heures du spectacle.

fait revivre le bal populaire comme au grandes heures de Casque d'Or et des mauvais garçons, une période que l'on a pu voir récemment sur le petit écran dans la série Paris 1900 ou le film Le bal des folles. Pourtant il n'y a chez lui aucune vision folklorique. L'évocation du Paris du début du XXᵉ siècle est légère. Pas de Moulin rouge ou de Moulin de la galette, ni d'atelier de peintre à la Degas, ni de rues parisiennes avec ses vitrines, ses enseignes et ses calèches. Pour tout décor, signé , un fond de scène fait de toiles rapiécées et de délicats châssis mobiles qui servent de claustras ou de paravents. Les costumes de aux teintes automnales, un peu sépia, avec des tissus en camaïeu, sont remarquablement travaillés. Souples, ils semblent avoir été portés pendant longtemps. Quant aux ombres chinoises et lumières de , elles concourent à l'illusion, comme aux premiers temps du cinéma.


La chorégraphie est très équilibrée entre les parties réservées aux solistes et les ensembles, avec une remarquable utilisation du corps de ballet, dont Kader Belarbi, formant des groupes par taches de couleurs, use comme un peintre le ferait de sa palette. Le passage obligé et flamboyant du Cancan, véritable feu d'artifice respectant tous les canons du genre, grâce à la spécialiste , est traité avec la même finesse sans jamais devenir vulgaire. Joué au piano, il permet quand même d'admirer les danseurs faisant le grand écart ou les danseuses jupes relevées, évoluant le pied à la main. De la même manière, la maison close et les lieux de plaisir sont évoqués sans voyeurisme et avec délicatesse.

Mais ce sont les duos qui réservent le plus de variété et de surprises. En longues jupes et bottines, La Goulue (), Jeanne Avril () ou Suzanne Valadon () sont les femmes aux fortes personnalités qui jalonnent la vie de Lautrec. Elles sont tour à tour fières, bravaches, toniques et émouvantes. C'est Yvette Guilbert, incarnée par qui remporte la palme de l'originalité avec ses bras démesurés gantés de noir, son boa et sa gouaille digne d'un cabaret. Fil rouge de la narration, l'inquiète comtesse Adèle, la mère du peintre, dansé par , est marquée par une chorégraphie toute en angles et pieds parallèles.

Quittant à regret le Théâtre du Capitole, on aimerait passer plus de temps avec chacun de ces personnages, aller au-delà de l'évocation de la vie du peintre pour découvrir son œuvre et ses qualités d'observateur d'un monde en effervescence à l'aube du XXᵉ siècle. Une impression qui pourra être prolongée grâce à la captation réalisée par Luc Riollon, également maître d'œuvre des séquences en réalité virtuelle proposées à certains spectateurs pour une immersion au cœur du ballet.

Crédits photographiques : © David Herrero

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