Au Centquatre, Angelin Preljocaj affiche complet avec Deleuze / Hendricks, son nouveau spectacle créé cet été à Montpellier Danse avec huit danseurs du Ballet Preljocaj. Une confrontation stimulante entre la pensée de Spinoza, la voix de Deleuze et les rifs de Hendrix.
Angelin Preljocaj a toujours fait de ses expérimentations abstraites un réservoir de formes pour ses ballets narratifs. Depuis 2004 notamment, il construit avec Empty Moves, sur la bande-son d'une performance de John Cage enregistrée à Milan, un travail abstrait d'une remarquable densité. C'est à nouveau le cas avec Deleuze / Hendrix, une nouvelle pièce pour huit danseurs, conçue à partir d'un matériau original et double : la musique du guitariste et chanteur américain Jimi Hendrix et l'enregistrement de cours donnés sur Spinoza par Gilles Deleuze à ses étudiants de Nanterre.
Ce matériau a priori disparate est dans un premier temps simplement juxtaposé en séquences distinctes, avant de s'imbriquer plus indistinctement. Les parties Hendrix sont plus sauvages, plus rock'n'roll (magnifique et sensuel duo dans le deuxième passage) que les parties Deleuze, à l'écriture plus conceptuelle, proche de Merce Cunningham.
Par cette dualité, Preljocaj assume sa double filiation avec Merce Cunningham, dont il assista aux cours à New York dans ses premières années de formation et de Dominique Bagouet, qui l'engagea dans sa compagnie et lui donna ses premières chances de chorégraphe. Certaines séquences composées sur Hendrix évoquent lointainement Jours étranges, le ballet de Dominique Bagouet écrit sur l'album Strange Days des Doors.
Quelle que soit la séquence, l'écriture chorégraphique très maîtrisée du chorégraphe est parfaitement bien exécutée par les huit danseurs du Ballet Preljocaj. Duos, quatuors, ensembles s'agencent avec virtuosité et dextérité, proposant des combinaisons de mouvement nouvelles. Le résultat est exigeant et d'apparence austère, mais adouci par la voix reposante et poétique de Deleuze, qui s'efforce de faire comprendre l'esprit de la pensée de Spinoza. Les lumières caressantes d'Eric Soyer, partenaire habituel de Preljocaj, apportent une quatrième dimension à ces études de cas pluridimensionnelles.