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Jakub Hrůša à Munich dans la nouvelle Isarphilharmonie

Dans un programme original appariant , et Dimitri Chostakovitch, à la tête de l'Orchestre de la radio bavaroise peine à convaincre dans la nouvelle salle de Isarphilharmonie.

Le spectacle vivant à Munich souffre comme partout des conséquences de la pandémie, mais il y aussi de bonnes nouvelles. Pas moins de trois nouvelles salles ont été inaugurées cet automne, l'une pour le Volkstheater, l'un des principaux théâtres de la ville (on y verra un opéra de Haas en mai prochain), une autre pour les compagnies indépendantes (le Pathos Theater), et surtout l'Isarphilharmonie, salle provisoire destinée à remplacer la Philharmonie pendant les travaux considérables du complexe culturel du Gasteig.

choisit pour son passage à Munich trois œuvres de compositeurs nés entre 1906 et 1913, deux œuvres de jeunesse de Britten et Chostakovitch, une œuvre de la maturité du tchèque . Créée en 1957, Mystère du temps est une longue passacaille pour grand orchestre, que Hrůša a choisi de défendre aussi souvent qu'il le peut – le hasard veut que cette rareté absolue au programme des orchestres revienne à Munich dès janvier prochain, avec le Philharmonique de Munich et Semyon Bychkov. Un tel enthousiasme laisse à vrai dire un peu perplexe, pas seulement à cause du décalage avec les audaces de la jeune génération de Boulez et Stockhausen ; la perspective ternaire choisie présente successivement l'éternité, le temps, l'éternité, soit lent, agité, lent, en un long mouvement unique d'une bonne vingtaine de minutes, sans beaucoup d'évolution et de contenu – ce que le chef qualifie de concentration paraît souvent plutôt de la monotonie, et tel solo du premier violon est plus larmoyant qu'émouvant. « Le temps », donc, est marqué successivement energico puis feroce : malgré une grosse caisse sollicitée hors de raison, on entend au contraire ici une certaine neutralité interprétative qui ne rend pas très bien compte des intentions descriptives du compositeur, quoi qu'on puisse penser de ces dernières.

Le Concerto pour violon de Britten bénéficie de l'interprétation d', soliste ici impavide, sans limite apparente, très à l'aise avec les ambitions modernistes d'un compositeur qui n'est plus un débutant, mais qui est loin d'avoir trouvé son style. Qu'il cherche ici à sortir des facilités qu'on lui avait reproché dans ses premiers œuvres est une chose, qu'il y parvienne réellement est moins certain. L'interprétation de Hrůša, soucieux de faire briller sa soliste, n'est pas pour autant exempte de la tendance aux excès de masse sonore du début de soirée. C'est d'autant plus regrettable que l'orchestre, lui, est dans une forme éblouissante, avec des solistes remarquables – et, il est vrai, bien mis en avant par l'acoustique très nette de la salle.

Il faut attendre la Symphonie n° 1 de Chostakovitch en fin de programme pour entendre un véritable chef-d'œuvre. L'orchestre montre toutes ses qualités grâce à la place généreuse que le jeune prodige laisse aux solos instrumentaux, mais l'auditeur se trouve tout autant que dans les deux premières œuvres souvent écrasé par la masse sonore. Est-ce l'acoustique de cette toute nouvelle salle qui est en cause ? Faut-il y voir un reflet des choix interprétatifs de Jakob Hrůša ? D'autres concerts, vus d'autres places, nous le diront, nous montreront si la grande proximité entre musiciens et publics qui permet à l'orchestre de sonner comme de la musique de chambre dans les passages plus doux et met brillamment en valeur les solos instrumentaux doit se payer par cette dynamique excessive, ou s'il faut incriminer, pour le moins, le manque de lucidité du chef. Il faut bien dire, tout au moins, qu'on aurait apprécié un peu plus d'ironie et de gourmandise dans les brillants coq-à-l'âne de cette stimulante carte de visite.

Crédits photographiques © Astrid Ackermann

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