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La Dame blanche enchante le Théâtre impérial de Compiègne

Un an après sa diffusion audiovisuelle depuis l'Opéra de Rennes, La Dame blanche, opéra-comique de , production du collectif La co[opera]tive, a commencé sa tournée en public au Théâtre Impérial de Compiègne, présenté dans le cadre du Festival En Voix ! .

Daté ? Poussiéreux ? Il y a certes cette immense toile d'araignée dans le décor du Château hanté d'Avenel, mais un grand ménage a été fait à n'en pas douter pour cette version retravaillée de l'opéra-comique le plus joué en son temps, dont la création eut lieu salle Favart à Paris en 1825. Repensé pour le public d'aujourd'hui, dans la conception des décors, des costumes, comme dans la scénographie, on doit au talent de Pauline Noblecourt la réécriture préalable de ses nombreux textes parlés, éléments essentiels de l'ouvrage, rafraîchis au goût du jour. 

Le livret d'Eugène Scribe d'après les romans de Walter Scott situe l'action en Écosse. Un village, un cadre bucolique, un château laissé à l'abandon, ses propriétaires disparus, leur dernier descendant envolé. Une légende gothique qui plane sur cet édifice dont l'hôte serait un fantôme aussi craint que vénéré, la mystérieuse Dame blanche. Un peuple de villageois qui cherchent désespérément un parrain – un suzerain ?, un jeune militaire, Georges, qui arrive de France et un intendant parvenu qui veut acquérir la bâtisse. Une jeune fille, Anna, qui s'y oppose, et qui est amoureuse du soldat, celui-ci s'avérant être l'héritier légitime du château. Et enfin la Dame blanche, qui n'est autre qu'Anna, subterfuge qu'elle utilise pour protéger le château convoité. Voici une histoire invraisemblable et métaphorique dont les ficelles sont on ne peut plus apparentes, montée dans un contexte pro-monarchique.

La mise en scène enlevée de laisse de côté les lourdeurs gothiques, s'attachant à donner à l'ouvrage sa lumineuse légèreté tout en mettant en valeur sa veine romantique, celle qui irrigue le livret et également, à la manière française, la musique admirée par Wagner. Les décors, plus suggestifs que pittoresques, peuvent ainsi paraître sommaires, mais disent l'essentiel, se résumant à quelques touches symboliques comme la découpe d'une frondaison et celle plus lointaine d'un relief montagneux, puis dans les scènes du château des éléments d'architecture en structure métallique (murs, encadrements de portes, escalier), un lustre à pampilles de cristal et un trône. Un cadre léger qui permet de concentrer l'attention sur les personnages hauts en couleurs ! Idée merveilleuse, un joyeux bestiaire a été convoqué sur le plateau – irrésistibles costumes de Cindy Lombardi !- transposant l'histoire en une savoureuse fable animalière, la situant dans un monde imaginaire. Ainsi les villageois sont un troupeau de moutons en kilts, Georges le jeune officier est plumé tel un coq, Anna une fine sauterelle, l'intendant Gaveston un élégant scarabée irisé, la fidèle servante Marguerite une noire araignée qui file inlassablement sa toile sur l'air des fuseaux, et la Dame blanche, une chouette effraie, vertueuse « sorcière blanche de la nuit ». 

Tout ce petit monde remarquablement dirigé, forme une jolie troupe bien solidaire, chacun prenant son rôle avec la fantaisie et le sérieux requis. Réduite à quatorze chanteurs et dix-neuf instrumentistes, la formation n'en impose pas moins de sa sonnante présence. La distribution très équilibrée requiert pour certains l'endurance en plus d'une technique vocale irréprochable. C'est le cas du rôle de Georges Brown tenu vaillamment par le ténor , dont la palette expressive est aussi large que l'étendue de sa tessiture. Le timbre clair et la diction impeccable, il enchaîne ses airs virtuoses avec une aisance confondante, tout comme la soprano , qui incarne une pimpante et attachante Jenny, drôle et pleine de vitalité. est d'une grande truculence dans le rôle de son mari Dikson, l'éclat de son timbre convenant idéalement au personnage. Le baryton donne belle contenance à Gaveston, dans ses airs tout comme dans les épisodes parlés où sa voix est tout aussi superbement timbrée et projetée. , prête à la dame blanche et la juvénile Anna, des accents émouvants jusqu'au plus haut de ses acrobatiques vocalises, mais ses interventions parlées un peu trop sur le ton de la confidence, manquent de projection. La mezzo est une Marguerite à la voix réchauffante, toute de bonne composition et de constance, et un très sérieux Mac-Irton au timbre de basse bien posé. Le Cortège d'Orphée offre la réplique d'un chœur enjoué, composé d'autant de personnages scéniquement et vocalement très expressifs. Depuis la Fosse, l' en effectif chambriste propulse les couleurs bigarrées de ses instruments d'époque, dirigé avec bonne humeur, souplesse et précision par en drôle d'oiseau tout de rouge vêtu. 

Un spectacle pour tous, cocasse et merveilleux, pour les yeux comme pour les oreilles.

Crédits photographiques © Rémi Blasquez

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