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Les mondes hybridés de Georgia Spiropoulos

Si fait revivre à sa manière les rituels de la Grèce antique dans Les Bacchantes et Klama, c'est la harpe, instrument des origines, qui s'hybride dans Roll…N'Roll…N'Roll sous l'action des gestes de l'interprète reliés à la technologie du temps réel.

Compositrice et artiste multimédia, définit son travail comme un champ de pratiques combinées où interagissent l'écrit et l'oralité, les sons instrumentaux et l'électronique, l'interprétation d'une partition et la performance des musiciens.

Au centre des Bacchantes (d'après Euripide) se joue la rencontre d'une voix, celle du vocaliste performer (assumant tous les personnages) et les ressorts infinis de l'électronique (technique ) qui transforme et démultiplie les actions vocales tout en créant une scène virtuelle : « opéra brut », tel que le définit la compositrice, tragédie auriculaire dans cet enregistrement qui nous prive du geste performatif et des lumières dont se pare la scène de théâtre. La tragédie est à haut voltage, écrite en hommage à Iannis Xenakis, avec cette même énergie sauvage et radicale qui propulse le matériau. Le texte est fragmenté, hurlé, déformé sous l'action de la machine, matière hirsute et délirante traversant tous les registres dont l'envergure sonore, la virtuosité et la puissance expressive de la voix nous sidèrent.

On retrouve l'aspect brut (cette manière d'attaquer frontalement le son) et une certaine violence acoustique très xénakienne dans Klama convoquant un chœur mixte à huit voix (chœur ), l'électronique live () et des « documents sonores ». Ce sont de vieux enregistrements, sur cassettes et vinyles (lamentations et hymne byzantin), des sons fixés intégrant leur lot de parasites, aspérités et rugosités grossis par l'électronique (craquements, souffle, bruits de machine) qui participent du rendu sonore. Klama fait référence aux chants de lamentations rituels du Magne, au sud du Péloponnèse, nous dit la compositrice. Les voix lisses du chœur interfèrent avec la partie électronique et le son rugueux, « sali », de l'électroacoustique, dans un travail de masquage, d'hybridation du modèle naturel qui évoque à ce niveau l'univers d'un Nono.

Dans Roll…n'Roll…n'Roll, « la durée, la vitesse ou le matériau peuvent varier globalement ou localement », nous dit , en fonction des gestes de l'interprète et de la réponse de l'électronique live (). La pièce met en vedette la harpe d', une musicienne ouverte à l'interprétation d'une partition, à l'improvisation et à la performance. Ce à quoi nous convient les cinq mouvements de Roll…n'Roll…n'Roll joués dans un flux continu. Chacun part d'une idée et d'un matériau spécifique, spatialisé et traité en direct par l'électronique : résonance amplificatrice (Tourbillon), diffraction du son (Shig), jeu rythmique et déphasage (Mobile : Little Toy), accumulation-submersion (Texture). Paris qui crie est conçu dans un temps lisse et une facture plus libre ; s'entend une sorte de chœur virtuel généré par le fondu enchaîné des textures de l'électronique et des figures de la harpe : autre chant de lamentation, étrange et pénétrant, qui transcende les sonorités de l'instrument.

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