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Onéguine à Stuttgart, nouvelle génération

Un ballet de vu et revu, dans une distribution renouvelée dominée par les femmes.

La partition de Kurt-Heinz Stolze d'après Tchaïkovski est toujours pénible, mais il faut dire qu'elle ne sonne vraiment pas bien cet après-midi, quel qu'en soit le responsable. La chorégraphie singulière de Cranko, qui ne se laisse pas réduire à un néo-classicisme de bon ton, mérite qu'on l'affronte une fois encore, auprès de la troupe qui a créé le ballet il y a plus de cinquante ans. Depuis, bien d'autres compagnies l'ont mis à son répertoire – très rapidement en Allemagne, plus tardivement à Prague ou à Paris.

Cette nouvelle série automnale est l'occasion pour la jeune génération du Ballet de Stuttgart de toute une série de prises de rôles, pas moins de cinq ce dimanche après-midi, dans tous les grands rôles du ballet. C'est peut-être qui frappe le plus ici : encore loin du haut de la hiérarchie (« demi-soliste » dans le langage maison), elle propose une Olga étonnamment mûre et contrastée, loin de la poupée blonde qu'on y voit souvent, et on se surprend à trouver qu'elle ne va pas si mal, finalement, avec Lenski, dont elle partage par moments les élans romantiques. Lenski, ici, c'est , tout jeune demi-soliste qui transmet sa jeunesse à son personnage : il est moins le Poète, avec majuscule, qu'un jeune homme rêveur, et sa fougue adolescente explique aussi bien son amour pour Olga que sa fureur face aux provocations d'Onéguine.

 

Le couple central est peut-être moins équilibré, comme si n'avait pas encore trouvé la clef de son Onéguine – ce qui n'enlève aucun mérite à sa danse élégante et à son sens du partenariat. , elle aussi, a une marge de progression, surtout dans les deux premiers actes : sa Tatiana a une certaine austérité, rêveuse introvertie plutôt que petite fille sage. Le duo rêvé du deuxième acte a de la grandeur, mais il faut attendre le troisième acte pour qu'elle donne toute sa dimension aux émotions de son personnage. La scène finale avec Onéguine prend alors une force dramatique vraiment bouleversante.

La chorégraphie d'Onéguine n'a pas la même fluidité que celle d'autres ballets de Cranko, mais c'est précisément cette singularité anguleuse et décalée qui en fait le prix. La troupe de Stuttgart maîtrise mieux que personne ce style à part. Pour cette reprise, c'est à nouveau Reid Anderson qui a assuré la préparation des danseurs. Il a quitté la direction de la troupe en 2018, mais sans couper les ponts, ce qui est naturellement précieux pour la troupe – une autre figure emblématique du est elle présente sur scène, puisque l'ancienne première danseuse Sonia Santiago joue ce soir le rôle de Madame Larina.

C'est Agnes Su qui danse le rôle de Tatiana, qui lui vaut d'être nommée première danseuse à l'issue de la représentation. , elle, est parvenue tout récemment au sommet de la hiérarchie dans la troupe de Stuttgart. Bien pourvue en danseurs hommes charismatiques (Jason Reilly, Friedemann Vogel, et le jeune Adhonay Soares da Silva), elle n'a guère que l'admirable Alicia Amatriain à leur opposer. Les premières danseuses de talent ne manquent pas, les espoirs non plus, cette série d'Onéguine aura permis de le démontrer ; il faut espérer que les prochaines années permettront à l'une ou l'autre de ces espoirs l'occasion de passer à ce niveau supérieur qui rendent certaines étoiles plus inoubliables que d'autres.

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