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Le romantisme noir de Gisèle Vienne dans le cadre du Festival d’automne

Dans le cadre du Portrait que le Festival d'Automne consacre à , reprise au Centre Pompidou de deux pièces culte : Kindertotenlieder et showroomdummies#4 . Si l'une se fracasse sur nos cœurs meurtris, l'autre traverse plus facilement l'épreuve des ans…


Plusieurs spectacles de ont été proposés au Centre Pompidou, dans le cadre du Portrait que lui consacre le Festival d'automne. Avec showroomdummies#4 ou Kindertotenlieder, la chorégraphe et metteuse en scène dissèque de façon clinique les travers du monde contemporain et nous met face à nos peurs et à nos névroses.

Kindertotenlieder créé en 2007 et récréé en 2021 au Holland Festival a une résonance nouvelle aujourd'hui, après plus de 15 années de violence terroriste ou de folie meurtrière. Les adolescents tueurs ou victimes mis en scène par sur ce plateau enneigé ont plus que jamais l'allure de fantômes gothiques. L'esthétique « dark » de la metteuse en scène et chorégraphe fut un choc de ces mêmes années 2007 et 2008, en particulier avec Jerk, la pièce de Dennis Cooper interprétée par Jonathan Capdevielle. Là encore, Denis Cooper signe les textes, traduits par Laurence Viallet. Le texte cru et brutal prononcé en anglais résonne dans la première partie du spectacle où les corps des comédiens évoluent entre les poupées conçues et réalisées par Gisèle Vienne.

Dans la deuxième partie, le plateau est plus dégagé et laisse libre cours aux mouvements des personnages. On admire la performance remarquable de , qui joue le rôle du chanteur du groupe KTL venu rendre hommage à un adolescent mort.
On s'interroge cependant sur l'intérêt de reprendre de telles mises en scène, datant de 2007, après les tueries scolaires et les attaques terroristes des années 2010. Associer Death Metal et violence est désormais, en particulier dans nos esprits parisiens, synonyme d'attentat de masse au Bataclan. Le choc initial du Kindertotenlieder de 2007 s'est émoussé, car notre mémoire entre temps s'est assombrie.

L'impression est toute autre pour showroomdummies#4, créé avec Étienne Bideau-Rey, quatrième version d'un spectacle initialement proposé en 2001. Cette version a été conçue pour le ROHM Théâtre Kyoto, au Japon, où elle a été présentée en février 2020 avec cinq danseuses et une comédienne japonaises. Dans un hall impersonnel, qui pourrait être celui d'une multinationale ou d'un aéroport, mannequins abandonnés sur des chaises et danseuses en chair et en os occupent l'espace. Trois figures se dessinent au premier abord, comme autant d'archétypes de la femme japonaise : la collégienne, en sweat-shirt et jupe plissée, la mannequin au visage figé qui prend mécaniquement la pose, la salarywoman docile et manipulée, auxquelles se joignent trois autres femmes sensuelles et élégantes.

Dans ses mises en scène et sa scénographie, Gisèle Vienne sait installer un univers étrange et inquiétant, entre le rituel et la cérémonie et auquel on assiste, fasciné. Une séquence de chaises musicales (ou de jeux de rôle) commence alors avec les six femmes sur un rythme minimal lancinant. Manipulées ou manipulatrices, dominées ou dominantes, ces femmes sont tantôt rivales tantôt complices. Souvent interdites, comme les concurrentes d'un monde clos. Le principal mouvement qu'elles utilisent est la marche, dont le rythme, les à-coups, les arrêts, sont aléatoires ; s'y ajoutent parfois quelques portés et un peu de danse au sol. Comme pour Kindertotenlieder, les personnages de showroomdummies#4 parviennent à une forme de vide, de désespoir, retournant à l'anonymat du stéréotype.

Crédits photographiques : Kindertotenlieder de Gisèle Vienne © Mathilde Darel ;
showroomdummies#4 de Gisèle Vienne © Yuki Moriya

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