- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Saint-Saëns croqué par son époque

Que disent réellement les caricatures d'un homme et d'un artiste ? À travers une anthologie finement commentée de 78 portraits-charges et de caricatures qui n'excluent pas la révérence, dresse un portrait des différentes facettes de

C'est dans la toute dernière page de son essai que révèle la clé de sa démarche de réappréciation de Saint-Saëns, celle d'un « cultivateur » qui travaille le champ préparé par les musicologues (qui se focalisent sur les œuvres musicales) et les éditeurs (qui publient les sources imprimées et manuscrites). Déjà auteur d'un Camille Saint-Saëns, le compositeur globe-trotter conséquent chez le même éditeur, avec ce Croquer Saint-Saëns enrichit clairement notre compréhension de l'apport du compositeur.

Les thèmes traités sont en effet plus variés qu'on ne pourrait l'imaginer a priori : il y a bien sûr les dessins de presse où les caricaturistes le représentent en lien avec ses œuvres, habillé en Samson ou en Henry VIII, ou en chef d'orchestre ; et il y a les dessins des amis, simplement au piano, en uniforme militaire pendant la guerre de 1870 (par un certain… Gabriel Fauré !), ou croqué en caleçon sur un piédestal tenant d'une main un bâton de commandement curieusement placé…

Chaque dessin fait l'objet d'une analyse fouillée qui extrait le maximum d'informations de l'image elle-même, enrichie du contexte biographique ou historique. Ces analyses sont particulièrement éclairantes pour les dessins qui ont une portée politique, soit qu'ils entendent dénoncer un goût excessif du compositeur pour les voyages (sur un fond d'antisémitisme, dessin de Manuel Luque pour La Vie Parisienne, 1891), ou souligner qu'il se nourrit musicalement en Algérie et en Égypte (il est dessiné en pèlerin famélique en djellabah, en calife entouré de tentures, en touriste sur un dromadaire au pied des pyramides…), ou encore dénoncer son anti-wagnérisme de la période de la guerre de 14-18 ou son rejet des… syndicats. Une seule caricature traite spécifiquement du style musical de Saint-Saëns, celle d'Alfred Le Petit (1883) proposée en couverture, qui suggère que les opéras de Saint-Saëns doivent leur saveur aux ingrédients que sont de bonnes doses de sel de Verdi et de poivre d'Auber.

Au final, le livre est autant un panorama sur Saint-Saëns vu par les dessinateurs, que sur quarante ans de caricatures comme moyen d'expression multifacettes sur et autour d'un musicien célèbre de 1870 à 1920. Éclairant pour mieux comprendre le musicien comme son époque.

Lire aussi :

Saint-Saëns, un esprit libre : rétrospective pour un Centenaire

(Visited 413 times, 1 visits today)