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Concert de choc avec Juan Diego Flórez et les Solistes Européens Luxembourg

En pleine maturité artistique, le ténor régale le public luxembourgeois d'un ambitieux et généreux programme. À côté des rôles fétiches du chanteur, se profilent de nombreuses prises de rôle à venir.


Le programme choisi pour ce concert pourrait se présenter comme un condensé de la carrière et des choix artistiques de depuis ses débuts. La première partie illustre en effet l'ancrage belcantiste de celui qui, dès son entrée en scène, est acclamé comme « Il Divo » par un spectateur enthousiaste. À bientôt cinquante ans, Flórez tient comme personne la tessiture élevée des airs réputés inchantables d'Il Signore Bruschino et de Semiramide, dont visiblement il ne fait qu'une bouchée. Les suraigus d'Idreno jaillissent tels des dards, les vocalises ont la même vélocité qu'antan. Le métal récemment apparu dans la voix sera surtout mis à profit pour la deuxième partie pour Verdi, Puccini et l'opéra français. Avec « Una furtiva lagrima » de L'elisir d'amore, qui pour notre ténor superstar ne pose aucun problème technique particulier, c'est l'élégance et la simplicité de la ligne qui se détachent. Ces qualités sont portées à leur paroxysme pour l'extrait du Duca d'Alba sur lequel se clôt la première partie. À la beauté des phrasés, à la palette de couleurs et aux possibilités dynamiques dont dispose Flórez répondent la justesse et la sobriété de l'expression et du sentiment.

La deuxième partie du programme, tout en français, répond à des prises de rôle plus récentes, voire à des projets d'avenir. L'air du Jérusalem de Verdi, pris dans un tempo étonnamment lent, laisse entendre que Flórez ne se contentera pas de Rigoletto et de Traviata dans les années à venir, et l'on ne peut que s'en réjouir. L'aubade de Mylio extraite du Roi d'Ys offre elle aussi des perspectives de nouveaux rôles. La délicate mezza voce dans la partie élevée de la voix offre des moments de pur régal, le français est clair et châtié, dénué de la dose de préciosité qu'y ont mis autrefois certains ténors francophones. Le Werther de Flórez est désormais bien connu, il y met ardeur et passion tout en conservant à tout moment le contrôle absolu de la ligne et de la dynamique. Du grand art ! Le choix de l'air des Villi pour achever la partie officielle du programme est plus étonnant. Il aura cependant laissé entendre que pour Bohème ou Butterfly, il est aujourd'hui prêt ; il vient d'ailleurs de triompher en Rodolfo à l'Opéra de Zurich.

Cerise sur le gâteau, le concert est suivi d'un concert dans le concert annoncé par l'arrivée d'un appariteur chargé d'installer sur le devant de la scène une chaise et un repose-pied. Ce ne sont pas moins de quatre chansons que va exécuter Flórez, s'accompagnant lui-même à la guitare. Au groupe de deux chansons napolitaines – « Core ‘ngrato » et « Parlami d'amore Mariu » – succèdent deux mélodies latino-américaines dont le célèbre « Cucurrucucú paloma » de Tomás Méndez. L'intimité de l'exercice permet au ténor de trouver de nouvelles couleurs vocales, parfois recherchées dans le registre falsetto de la voix rarement sollicité par Flórez dans son répertoire traditionnel. L'accueil triomphal réservé au chanteur, acclamé par une ovation debout, le conduit à proposer deux nouveaux bis, cette fois-ci accompagnés à l'orchestre. Une nouvelle chanson napolitaine, suivie de l'inusable « Nessun dorma » dont Flórez parvient, par la beauté et la subtilité des phrasés, à faire presque un morceau de musique de chambre, plutôt que la démonstration de puissance prisée par de précédents ténors.

On aurait tort, à côté de cette star planétaire en pleine maturité artistique et en totale possession de ses moyens, d'ignorer la superbe phalange que constituent les , ensemble constitué de musiciens issus d'une trentaine d'orchestres européens. On apprécie particulièrement l'énergie et la splendeur instrumentale des cuivres, notamment mises en valeur dans les ouvertures de Rossini, Donizetti, Verdi et Bizet. Pour accompagner le soliste, les musiciens, dirigés par la baguette précise et attentive d'un aux petits soins, trouvent le tapis le plus soyeux et le plus capiteux qui soit.

Crédit photographique : Les Solistes Européens, Luxembourg et © Luc Deflorenne/SEL

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