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L’amour courtois de Dufay selon l’ensemble Gilles Binchois

Parmi les 80 chansons de , toutes plus belles les unes que les autres, l' choisit vingt d'entre elles pour faire vivre aujourd'hui l'art musical du XVIᵉ siècle.

Spécialisé dans l'interprétation des musiques anciennes, l', mené par , a bien conscience de cette sensation de l'éloignement d'un autre temps que pourrait susciter l'écoute de la musique de ce compositeur de l'école bourguignonne pour l'auditeur d'aujourd'hui. C'est donc guidé que l'acquéreur de ce nouveau disque intitulé « Dufay, le Prince d'amours », va arpenter la chanson qui accompagnait quotidiennement les cours de l'époque du maître.

En effet, après l'incontournable biographie du compositeur dans la notice de présentation, chaque texte de ces paroles, toutes traduites en anglais, est accompagné d'une grille de lecture pour que les « minimes » (les croches) et le « tempus » (la mesure), le couple « cantus-tenor », et le « tactus » (la pulsation) puissent être approchés par tous, et particulièrement pour une oreille non avertie.

Ces explications escortent ainsi l'auditeur au sein du parcours stylistique de ce compositeur emblématique qui fut à l'origine de la fameuse école franco-flamande qui rayonnera sur toute l'Europe jusqu'à la fin du XVIᵉ siècle. Sa jeunesse d'écriture comme cette ballata italienne « L'alta belleza » ou ce rondeau « Estrinez moy, je vous estrineray », le travail rythmique du compositeur dans « Adieu m'amour, adieu ma joye », l'art de la prosodie dans la ballade « Ce jour le doibt, aussi fait la saison » ou encore l'évolution stylistique du contrepoint dans le rondeau « Ne je ne dors ne je ne veille », retracent avec justesse le renouvellement musical de .

Elles explicitent aussi les choix interprétatifs de ces brillants musiciens, dont la qualité interprétative avait déjà été saluée par ResMusica avec une Clef d'or pour leur enregistrement autour des œuvres de Claude Le Jeune. L' choisit notamment de transposer aux instruments plusieurs chansons, dans l'objectif de mieux mettre en lumière les variations de couleurs (« Mille bonjours je vous presente »), le travail autour de la combinaison des voix selon un signe de mesure différents (« Belle que vous ay je mesfait ») ou de la ligne mélodique mêlant des passages cantabile avec des sections plus ornées (« He, compaignons, resvelons nous »), ou bien encore les modes choisis par Dufay comme le phrygien mis en valeur par le calvicymbalum et le luth dans « Adyeu, quitte le demeurant ».

L'apparente simplicité vocale du duo amoureux « Estrinez moy, je vous estrineray », la poésie immédiate du contrepoint des « Douleurs dont me prends tel somme », et la fusion des voix qui démarre l'écoute de la première piste qui propose le rondeau « Par droit je puis bien complaindre et gemir » complète cette seule et même démarche de la part de ces musiciens : celle de s'inscrire pleinement au service de la musique du « prince d'amours », démontrant ainsi la grandeur d'un interprète.

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