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Esa-Pekka Salonen et l’Orchestre de Paris jouent Bruckner

Après une interprétation insipide du Concerto n° 1 pour violoncelle et orchestre de Chostakovitch par , et l' livrent au public parisien une Symphonie n° 6 de Bruckner d'une immanente grandeur.

Composé en 1959, le Concerto n° 1 pour violoncelle et orchestre de Dimitri Chostakovitch porte encore dans sa chair les stigmates douloureux de la répression stalinienne, alternant hargne et affliction, c'est dire qu'il méritait assurément mieux que cette lecture totalement hors de propos, livrée ce soir par  : une interprétation narcissique et maniérée qui manque cruellement de projection, de tranchant et de rage dans les attaques sur les quatre notes (ré, mi bémol, do, si) du thème DSCH de l'Allegretto initial ; une vision qui étale un Moderato au pathos sirupeux sans profondeur, sauvé in extremis par la beauté de l'accompagnement orchestral (cor, cordes, petite harmonie et célesta) suivi d'une Cadenza au tempo trop lent, laissant au soliste tout le temps de s'admirer dans une virtuosité un peu vaine, surchargée de nuances et de fluctuations agogiques responsables d'une théâtralité du pire effet, heureusement tirée de l'ennui par la superbe sonorité du violoncelle Matteo Gofriller 1701 « l'Ambassadeur » ; seul l'Allegro con moto conclusif permet de retrouver le ton grinçant, sarcastique et circassien typiques de Chostakovitch dans un bel équilibre avec l'orchestre où se distinguent une fois encore Benoit de Barsony au cor et une petite harmonie de haute volée. En bis, un Chant des oiseaux de Pablo Casals affecté d'un nombrilisme caricatural achève cette piètre prestation !

Rares sont les incursions de Salonen en territoire brucknérien, c'est dire toute l'attente entourant cette interprétation de la Symphonie n° 6 de Bruckner. Composée dans la joie en 1879 et spiritualisée d'un remerciement à Dieu, elle ne sera jamais retouchée. Bien loin de certaines lectures roboratives, nous en offre une vision allégée et vivifiante, d'une immanente grandeur, sans véritable ferveur, où l'on est séduit par l'acuité de la direction face à un irréprochable et particulièrement attentif. Le premier mouvement Maestoso est abordé avec beaucoup de nuances et de détails dans une lecture assez analytique qui jamais ne laisse échapper la proie pour l'ombre. On est séduit par l'ampleur et la majesté du phrasé, par la conduite souveraine du crescendo, par la clarté de la texture valorisant toutes les performances solistiques (cor magistral de bout en bout, cordes opulentes, cuivres olympiens, petite harmonie éclatante). Magnifiquement exécuté l'Adagio fait la part belle aux cordes dont on admire la souplesse, la fluidité et la profondeur d'intonation, dans une complainte déchirante, chargée de clair-obscur et de mystère d'où émergent la cantilène élégiaque du hautbois et les contrechants de cor. Plus lumineux que diabolique, presque ludique le Scherzo impressionne par la précision de sa mise en place faisant intervenir cuivres, timbales, petite harmonie et cor dans une véritable pyrotechnie orchestrale riche en timbres et très contrastée. Dans le Finale, Salonen réussit à rassembler ce qui est épars dans un bel élan jubilatoire, alternant tension et détente apportant la dernière touche à cette interprétation originale et convaincante.

Crédit photographique : © Marco Brescia & Rudy Amisano

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