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Les bêêêlles voix des Kapsber’Girls

Les quatre jeunes musiciennes du CNSMD de Lyon s’étaient déjà faites remarquées en 2020 avec leur premier enregistrement du compositeur phare auquel elles ont emprunté leur nom. Elles réitèrent avec ce nouveau disque « Vous avez dit brunettes ? » qui se compose de tous les agréments qui font la force de ces belles interprètes.

Spécialisées dans l’interprétation des musiques anciennes, Les Kapsber’girls avaient choisi d’orienter leur premier pas vers un répertoire populaire. C’est de nouveau le cas avec cette sélection de « brunettes » du XVIIᵉ siècle et parfois datant de la Renaissance, extraites du recueil en trois tomes édité par Christophe Ballard (1641-1715) qui se compose de pas moins de 500 chansons.

Les « brunettes » sont un genre à part entière qui connut un grand succès au début du XVIIIᵉ siècle. Chansons strophiques empreintes d’un univers pastoral mythifié, leur naturelle simplicité, autant dans leur univers poétique que dans leur composition musicale, agrémentait la pratique musicale des amateurs et le quotidien des aristocrates de l’époque. Des « sous-genres » sont explicitement identifiés dans la programmation musicale de ce disque, variant « petits airs tendres », airs sérieux et airs à boire, ainsi que des pièces de caractères instrumentales.

Ne pas faire les choses au sérieux tout en le faisant sérieusement. Voilà comment résumer la joie communicative des Kapsber’Girls, qui choisissent une pochette pleine d’humour ayant le mérite de faire sourire et de s’interroger sur le contenu de cette proposition musicale. Dans cette même logique, et pour mieux accompagner l’auditeur dans une ambiance champêtre parfaitement assumée, les moutons seront tout aussi présents dans le livret d’accompagnement, qu’en début et en fin d’enregistrement.

Mais cette légèreté n’est pas synonyme de travail bâclé, bien au contraire. C’est une simplicité douce et authentique qui se diffuse dans « Le beau berger Tircis » ou « Vous qui sçavez si bien [plaire] ». La clarté des voix et un texte parfaitement intelligible sont la source de cette atmosphère, la soprano Alice Duport-Percier et la mezzo Axelle Verner limitant les effets pour véhiculer une élégance non artificielle.

L’humour innocent se diffuse plutôt sous le chant des rossignols (« Dès que le jour commence » d’Elisabeth Jacquet de la Guerre), ou sous les percussions d’ « En vérité sévère Margoton » grâce à des sauts d’intervalles audacieux et le « drôle de ton » parfaitement articulé et impulsé par la voix. La dextérité et la limpidité des cordes pincées d’Albane Imbs ne sont pas en reste dans la « Contredanse » extraite du Manuscrit Vaudry de Saizenay, ou encore dans la Villanelle caractérisée, attribuée à Robert de Visée, tout autant que les violes de Garance Boizot d’une profondeur spirituelle dans les pièces de caractères de Jean-Baptiste Dupuits. Les choix interprétatifs des quatre musiciennes s’inscrivent pleinement dans les habitudes de l’éditeur de ces brunettes, réarrangeant ses airs dans la volonté première de les inscrire en phase avec les goûts actuels, en utilisant les mêmes procédés d’arrangements que Ballard.

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