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Don Quichotte à l’Opéra Bastille : plein d’espoir

La représentation de Don Quichotte n'a pu avoir lieu ce mardi 14 décembre en raison de cas positifs au Covid-19 au sein du Corps de Ballet. En revanche, nous avons pu assister à la distribution ce samedi 11 décembre d'un couple surprenant, formé de et .

Depuis ce début de saison 2021, le connaît d'incessants changements de distributions qui suscitent de l'incertitude jusqu'au lever du rideau. Plusieurs danseurs ont en effet été blessés pendant les représentations du Rouge et le Noir, et on déplore désormais des infections au Covid19. L'orchestre de l'Opéra de Paris a également été touché pendant le premier week-end de décembre, ce qui a conduit à proposer plusieurs représentations du programme Ashton/Eyal/Nijinsky avec une musique enregistrée.

C'est dans ce contexte exceptionnel que a la chance de pouvoir tenir le rôle de Basilio dans cette série de représentations, après avoir dansé la saison dernière celui de Roméo. De mémoire de balletomane, il n'était jamais arrivé qu'un quadrille (qui sera nommé officiellement coryphée en janvier 2022) soit mis en avant de cette façon. Il est plutôt à la hauteur de l'enjeu avec un cran que seule la jeunesse autorise, malgré les sournoises difficultés de la chorégraphie que Noureev a parsemées dans les variations du premier acte. Il y a certes des choses perfectibles dans le détail, mais même les portés à une main sont bien mieux réussis que ceux d'autres danseurs en d'autres temps. Le jeune danseur a un regard qu'il sait être captivant et il a une hauteur de taille et une carrure adaptées au rôle de prince – moins à celui de demi caractère. Il s'est par ailleurs beaucoup amélioré depuis quelques années. L'énergie qu'il déploie est constante sur les trois actes, malgré une anxiété de plus en plus palpable au fur et à mesure de la soirée.

Ce qui constitue l'intérêt de revoir un ballet dansé par des distributions différentes d'une saison à l'autre est aussi l'occasion de créer une familiarité avec les danseurs que l'on voit éclore à l'École de danse, monter sur scène dans des remplacements successifs avant d'assurer des rôles de demi solistes, voire les premiers rôles pour ceux qui en ont les qualités. présente des talents indéniables et il est dommage de l'admirer dans des rôles aussi imposants sans cette interaction préalable. On a vu suffisamment de danseurs se blesser prématurément, mis en avant si tôt dans leur carrière, pour ne pas regretter l'urgence avec laquelle il est distribué – mais on ne peut que souhaiter le voir dans d'autres rôles.

a mûri en supprimant les minauderies dont elle était coutumière pour n'y laisser que les gentilles taquineries inhérentes au rôle. L'entrée du premier acte laisse augurer de la technicienne qu'elle est devenue et que son début de carrière ne révélait pas. Ici, elle sait prendre la scène avec une aisance remarquable, quand bien même le plateau de l'Opéra Bastille semble toujours inadapté à la danse. La variation de Dulcinée lui laisse dessiner une belle ampleur de bras, avec de très belles sissones. Le manège commencé un peu trop décalé est rattrapé par une accélération de ses tours et une maîtrise des déboulés de la phrase conclusive. Enfin, la coda est jubilatoire car ose les fouettés double et finit très proprement jusqu'au bout de sa partie, ce qui démontre le travail accompli depuis sa nomination. Très attentif à sa partenaire, Guillaume Diop possède cette conscience du corps de la danseuse qu'il a entre les mains, si nécessaire à la fluidité d'un couple dansant.

 

Hannah O'Neill, dans la Reine des Dryades, saute haut et compose de jolies phrases avec des tours à l'italienne un peu bousculés et désaxés. En Cupidon, la délicieuse est vive, très tonique avec une science de l'allegro rare et qu'elle défend efficacement.
Héloïse Bourdon, qui devrait danser Kitri plus tard dans la série, s'impose en Danseuse de rue comme une technicienne imparable face à un on ne peut plus présent sur scène, un rien narquois en viril Espada. Le duo des amies de Kitri composé de Fanny Gorse et de Roxane Stojanov est très homogène et correctement coordonné.
Enfin, Arthus Raveau en Don Quichotte et Hugo Vigliotti en Sancho Pança sont très investis dans leur rôle et permettent de soutenir l'attention dans les moments où il s'agit de raconter.

Le corps de ballet n'aura jamais été aussi en forme de la saison, venant même saluer à la fin du deuxième acte, ce qui n'était jusqu'alors pas usuel.

On passe donc une bonne soirée, en gardant à l'esprit l'interrogation sur ce qu'est aujourd'hui le Ballet de l'Opéra. Une institution dont la hiérarchie n'a guère plus d'intérêt (les distributions ne reflétant pas le système pyramidal des titres de la compagnie) et où la pertinence d'une troupe censée faire évoluer harmonieusement les carrières des artistes, des petits rôles vers ceux de soliste, laisse la place au plaisir trop fugacement éprouvé.

Crédits photographiques : © Julien Benhamou / Opéra national de Paris

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