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Cole Porter in Paris, tout le swing des années folles

I'm in love again, Pilot me, Night and day, Let's do it… on ne compte plus les chansons de devenues des standards. et à la mise en scène, retracent les années (folles) parisiennes du roi du musical, dans ce biopic coloré et enlevé.

Commençons par ce que n'est pas le spectacle in Paris : non pas une comédie musicale dans le pur style de Broadway, mais plutôt une fresque biographique, dans laquelle le récit, à la troisième ou à la première personne, ne comporte pas de dialogue à proprement parler. Le rythme du spectacle en pâtit un peu, en particulier dans les premières scènes qui semblent enchaîner récit et chansons, mais l'ensemble s'avère vite bien ficelé et dynamique.

1919 : , musicien né avec une petite cuillère en argent dans la bouche, et fréquentant la haute société américaine, s'installe en France et s'inscrit même à la Schola Cantorum pour étudier auprès de Vincent D'Indy. Sa rencontre avec la riche divorcée Linda Lee Thomas, de treize ans son aînée, est déterminante. Mariés, il deviennent les coqueluches du « Tout-Paris », fréquentant Serge Diaghilev, Gertrud Stein, Jean Cocteau, George Gershwin… et Boris Kochno, proche de Diaghilev, danseur et librettiste, dont Cole Porter tombe éperdument amoureux. Dix ans plus tard, alors qu'il monte la Revue des Ambassadeurs (recréée précisément par il y a quelques années), il rejoint l'Amérique et Broadway. Le spectacle évoque donc ce Paris artistique bouillonnant, cosmopolite, homosexuel et dandy dans lequel évolue le musicien. Le jazz, les Ballets suédois (pour lesquels il compose le ballet-jazz Within the Quota), la prostitution, les fêtes vénitiennes, les années folles : tout y est.

a pioché intelligemment dans l'important répertoire de chansons de Cole Porter (à l'exception du fameux standard The Man I love de George et Ira Gershwin, dans une interprétation ici flamboyante), contemporaines ou postérieures à ses années parisiennes, pour raconter son histoire. De Paris (I love Paris) à Manhattan (et l'entraînant Take me back to Manhattan), c'est un festival de chansons espiègles, farcies de sous-entendus et truffées de mots français (Let's Misbehave, Pilot me (dont la chorégraphie aurait pu être plus piquante), Give me the Oooh La La, You're the top (avec strip-tease masculin très drôle) ou plus nostalgiques et mélo. « Il y a tellement de Cole dans ses lyrics », dit un personnage.

Le metteur en scène a choisi astucieusement de prendre trois chanteurs pour incarner Cole Porter, ensemble ou alternativement : , au jeu pétillant et à la voix la plus charpentée, , et , qui tient également le piano. Les deux rôles principaux de femmes reviennent à de belles voix de comédie musicale : celle de , impeccable en soprano lyrique et celle, plus mezzo et pleine de caractère, de , excellente dans Find me a primitive man (tout un programme). Il faut saluer l'orchestration originale, qui associe des instruments classiques à ceux du jazz band, avec quelques jolis solos (le basson orientalisant de Moorish Garden, le saxophone dans Love for sale). Les danses et chorégraphies ont surtout une fonction illustrative, avec de grandes scènes de groupe réussies (comme cette danse des petits pains, hommage au Chaplin de La Ruée vers l'or ?), mais aussi des revues, des tableaux vivants, ainsi que des danses « à la manière de », pour évoquer les Ballets Suédois notamment. La sobriété des décors, les structures et néons en formes géométrique, mettent en valeur les costumes foisonnants : justaucorps moulants, robes de soie suggestives, trucs en plume, robes années folles et smoking, claquettes, tenues coloniales… c'est un festival de couleurs et d'images. De quoi évacuer toute morosité le temps d'une soirée !

Crédits photographiques : © Thomas Amouroux / Théâtre du Châtelet

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