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Herbert Blomstedt dirige l’Orchestre de Paris dans Brahms

Aimez-vous Brahms ? A cette question posée en son temps par Françoise Sagan, , à la tête de l', répond sans ambages par une belle lecture des Symphonies n° 3 et n° 4 de .

Doyen des chefs d'orchestre en activité, le chef, actuellement âgé de 94 ans, a maintes fois affirmé qu'il trouvait joie et force de vivre dans la musique : une foi musicale tenue qui explique sans doute une carrière exceptionnelle, de plus de 60 ans, l'ayant conduit à la tête des plus grandes phalanges mondiales dont les mythiques Staatskapelle de Dresde, Symphonique de San Francisco ou encore Gewandhaus de Leipzig. Au prix d'une reconnaissance quelque peu tardive, a su convaincre au fil des années, tant par sa personnalité charismatique et attachante où se disputent passion, noblesse, humilité et persévérance que par l'excellence de ses interprétations faites d'une lecture analytique très aboutie, remettant pour chaque concert l'œuvre sur le métier et l'amenant à diriger le plus souvent avec la partition fermée sur le pupitre. Loin de certaines lectures germaniques anciennes, volontiers boursouflées et roboratives, mais aussi, loin des lectures plus récentes « historiquement informées », choisit une troisième voie, consensuelle, où apparait comme une évidence son étonnante maestria dans la direction des grands effectifs orchestraux, au prix d'une formidable économie de moyens.

Deux symphonies de Brahms au programme de ce concert, symphonies de la maturité, écrites entre 1883 et 1885 pour parfaire et se libérer du lourd héritage beethovénien.

La Symphonie n° 3 est abordée avec un héroïsme de bon aloi, clamé par trois accords de vents auxquels succède rapidement une lecture tout en délicatesse, pleine de vitalité, d'allant et de tension qui met en avant la grande cohésion orchestrale. Avec une gestique minimale Herbert Blomstedt laisse respirer et chanter l'orchestre où petite harmonie et cuivres rivalisent de douceur et de virtuosité (clarinette de Pascal Moragues, cor de Benoit de Barsony). Les deux mouvements centraux amènent plus de réserve : si l'Andante manque de tenue, semblant se complaire dans une sérénité toute olympienne un peu statique, le Poco Allegretto pâtit d'un phrasé trop sombre où le chef alourdit le trait par des appuis rythmiques trop marqués, tandis que les violoncelles énoncent la célèbre mélodie sur un tempo exagérément vif. L'Allegro final renoue avec l'énergie du premier mouvement dans une dynamique haletante et contrastée où l'on est séduit et impressionné par la virulence des attaques de cordes et la véhémence des cuivres.

Point de réserve en revanche pour la Symphonie n° 4, véritable symphonie d'automne, plus sombre que la précédente, dans laquelle Brahms catalyse sa puissance d'expression par une architecture rigoureusement maitrisée. Éminemment brahmsienne par son mélange d'ombre et de lumière, Herbert Blomstedt nous en livre une interprétation remarquable, passionnante de bout en bout, juste et parfaitement maitrisée, servie par une superbe phalange parisienne, avec un premier mouvement haut en couleur (vents), dynamique et tendu, très rythmique (timbales tonitruantes) tout imprégné d'attente où se distinguent des cordes très engagées et des sonneries impérieuses de cuivres (cors, trompettes). Annoncé par la cantilène du cor, l'Andante allie épisodes lyriques et moments plus méditatifs ou crépusculaires (altos) dans un riche dialogue entre cordes et vents, précédant un Allegro giocoso jubilatoire et virevoltant où la dynamique l'emporte sur le mystère (piccolo, contrebasson, triangle). Véritable travail d'architecture, comportant trente-cinq variations sur un thème emprunté à J.S Bach, l'Allegro energico e passionato final fait intervenir l'ensemble de l'orchestre (flute, trombones et timbales en particulier) dans une véritable pyrotechnie orchestrale menée de main de maitre par le chef, salué en fin de concert par une standing ovation prolongée.

Crédit photographique : © Gert Mothes

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