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Mozart sur la scène du Capitole pour sa Flûte enchantée

Avec cette Flûte enchantée au Capitole de Toulouse, le chorégraphe fait son entrée dans le monde lyrique en tant que metteur en scène.

Lorsqu'on souhaite aller à l'Opéra pour la première fois et que l'on demande vers quelle œuvre s'orienter, on vous répondra instinctivement La Flûte enchantée, Carmen, ou bien encore La Traviata. C'est probablement de cette manière que a abordé sa première expérience en tant que metteur en scène d'opéra. Initialement chorégraphe, l'artiste, chose appréciable et louable, est sorti de sa zone de confort, même si la danse est présente tout au long de la représentation. Les cinq danseurs, habillés et masqués en noir sur fond noir, miment certaines actions ou marquent quelques effets musicaux accompagnant, parfois maladroitement, la partition de Mozart comme lors des envolées des danseuses au moment du Finale ; se positionnant, en revanche, judicieusement lorsque durant l'ouverture, ils miment l'enlèvement de Pamina ou l'élaboration de l'ouvrage par Mozart (May Homaire) et son librettiste (Ferdinand Régent-Chappey), tous deux bien présents sur scène.

Cette matérialisation des deux concepteurs de ce célèbre singspiel, au centre de l'attention puis positionnés côté cour pour narrer l'histoire, tels des conteurs passionnés, nous fait vite comprendre la volonté de rendre accessible à tous cette Flûte enchantée, notamment en employant la langue française pour interpréter dialogues et autre écriture additionnelle élaborés pertinemment par Dorian Astor. L'apparition d'écrans mobiles identifiant les protagonistes sur scène, schématisant l'intrigue qui se déploie (« Papageno face à lui-même »), ou explicitant les affects de certains personnages, s'inscrit dans cette même démarche pédagogique qui profite aux petits (nombreux pour cette première) comme aux grands.


A la lecture de tout cela, le lecteur pourrait s'imaginer que cette nouvelle production ne s'adresse pas à tous, et encore moins à un public averti maîtrisant parfaitement l'ouvrage. Les quelques huées au moment des saluts le laisserait à penser, mais ce serait vite oublier la genèse de cette œuvre créée dans les faubourgs de Vienne dans un petit théâtre populaire en bois. Avec l'apparition sur cintres de décors multiples en carton pâte et une succession d'éléments du quotidien (les esclaves et Monostatos sont ici des livreurs de repas, alors que l'entrée du royaume de Sarastro est représentée par une station-service), une deuxième lecture de ce parti-pris est ainsi possible, mettant particulièrement en lumière l'humour du compositeur, le comte Zinzendorf parlant à l'époque de « farce incroyable », mais aussi l'immédiateté et la féerie (renforcée par les costumes de Roy Genty et Adélaïde Le Gras) de cette œuvre universelle. Bien que respectueux de l'ouvrage et lui apportant une vision personnelle, on peut toutefois reprocher à une surcharge d'éléments, comme la boite à jouets d'un enfant gâté très imaginatif, qui laisse finalement peu de place à la musique et aux voix.

D'aspect enfantin, le personnage de Tamino avec son pyjama bleu pastel, ses grandes chaussettes roses et son air décoiffé d'un prince un brin pataud, part dans une quête initiatique par amour. La luminosité du timbre de matérialise cette jeunesse princière, complétée par une puissante projection qui aurait méritée plus de nuances. Son pendant féminin, , avec les codes couleurs des costumes symbolisant sa complémentarité ainsi que sa destinée, détient une pureté de timbre et une fragilité touchante, mais la soprano parait quelque peu engoncée dans sa robe rose bonbon, manquant de séduction, semblant avoir peu d'emprise face aux difficultés de son rôle.

Arrivant en deltaplane, tire aisément son épingle du jeu sous les traits de Papageno. Le chanteur affirme un plaisir communicatif par le biais d'une aisance vocale qui sied merveilleusement à cet homme-oiseau et aux joies simples qu'il espère. Le juste-au-corps vert fluo impose à de jouer sans finesse le rôle de Papagena, celle-ci retranscrivant musicalement avec justesse et expressivité les émois dévolus à la promise de Papageno.

Dans un rôle qu'elle maîtrise, incarne une Reine de la Nuit lunaire : les suraigus tant attendus paraissent une évidence pour l'interprète ; sa ligne de chant parfaitement amenée, sa variété de couleurs et son agile technicité alimentent son aura et sa suprématie. Le charisme fait aussi la force d'un en Sarastro, grâce à des graves profonds et intenses. C'est malheureusement ce registre qui fait défaut à (Monostatos) alors que l'amplitude vocale de (L'Orateur) lui confère une autorité certaine. Le chœur ne démérite pas, sans pourtant marquer les esprits.

Mention spéciale au trois dames merveilleuses que sont , et , parfaitement en osmose au bénéfice d'un lyrisme magique, et aux trois garçons interprétées par trois solistes de la Maîtrise du Capitole, idéalement homogènes avec leurs voix cristallines et une mise en scène particulièrement exigeante à leur égard.

Dans la fosse, l'Orchestre national du Capitole se caractérise par un délié de jeu sensible, une attention aux détails pour les vents et une rondeur sonore pour les cordes que la direction chatoyante de et les musiques et sons additionnels – discrets ! – de Joan Cambon, permettent d'affirmer sans complaisance.

Crédits photographiques : © Mirco Magliocca

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