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Classiques du XXe siècle par le Ballet de Stuttgart

Quatre pièces de , et pour un spectacle « Anges et démons » avec une jauge limitée mais un enthousiasme communicatif pour les danseurs de Stuttgart, qui avaient proposé ce spectacle en livestreaming pendant la fermeture des théâtres.


Kylián, Petit, Béjart : nous sommes bien à Stuttgart, et nous nous croirions revenus aux premières années de l'ère Brigitte Lefèvre à l'Opéra de Paris. La pièce qui ouvre la soirée, Falling Angels, est la seule des quatre pièces du programme à n'avoir jamais été présentée à l'Opéra de Paris : sur la musique pour percussions de Steve Reich, Kylián fait vivre un groupe uni et multiple de huit solistes féminines, éminent exemple de l'art d'un chorégraphe tourné vers l'intime, et illustrant bien ici la tension permanente entre aspiration à l'individualité et appartenance au groupe, dans des lumières crépusculaires. Cette pièce d'ensemble par excellence montre les jeunes solistes du Ballet de Stuttgart tout à leur honneur ; il n'est pas dans l'esprit de la pièce d'individualiser l'une ou l'autre, mais la discipline d'ensemble et leur capacité à s'approprier le style de Kylián montrent bien la versalité de cette troupe en perpétuel renouvellement.

Petite mort, créé deux ans après Falling Angels, déplace ces enjeux intimes vers la relation amoureuse, avec six couples composés cette fois de danseurs plus confirmés, et la chorégraphie de Kylián épousant étroitement les deux mouvements lents de concertos pour piano de Mozart est certainement un des sommets émotionnels de son œuvre. Et l'émotion était bien au rendez-vous pour cette récente entrée au répertoire : le couple étoilé Rocio Aleman/David Moore brille comme il se doit, mais c'est la cohérence de l'ensemble qui l'emporte sur les performances individuelles.

Après ces deux pièces éminemment collectives, la fin de la soirée est réservée à deux pièces où les solistes ont le dessus. Le Jeune homme et la mort de a aujourd'hui un petit goût désuet qui n'est pas sans charme – le mythe romantique du Paris artiste n'a pas perdu sa force d'attraction en Allemagne. fait vivre le Jeune homme avec un beau sens de l'évolution du personnage, des attitudes crânes et moqueuses du début à la montée vers le désespoir final ; on a certes vu dans la pièce une danse plus vertigineuse, avec Nicolas Le Riche par exemple, mais la pièce n'est après tout pas le pas de deux du Corsaire, et une danse très maîtrisée et précise peut bien suffire pour peu que l'intelligence du travail théâtral soit là. , dans le court rôle qui est le sien, a tout ce qu'il faut pour être une partenaire efficace : le mystère, la noirceur, l'ironie. Il n'est pas mauvais, après tout, de revenir vers ce témoignage parlant des entreprises cinématographiques de l'art chorégraphique, même s'il est loin des ambitions de la danse aujourd'hui.

Pour clore la soirée, c'est l'inusable Boléro de Béjart qui est chargé de déchaîner les foules. Le résultat est au rendez-vous, comme toujours, d'autant que , avec sa musculature impressionnante, a tout pour électriser les foules – puissance bien sûr, mais aussi musicalité et précision. Quant à cette pièce vue et revue, chacun pensera ce qu'il veut d'une chorégraphie qui met complaisamment en scène la fanatisation d'un collectif par un individu d'élite.

Crédits photogtaphiques : © Roman Novitzky (Le Jeune homme et la mort) ; © Stuttgarter Ballet (autres photos)

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