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Jonas Kaufmann chante Franz Liszt

Avec ce dernier opus discographique, entièrement dédié à , et exaltent la théâtralité des lieder du compositeur.

En regard des œuvres pour piano solo et des compositions orchestrales, le corpus lisztien consacré au lied est probablement le moins connu : quatre-vingt-dix lieder composés entre 1840 et 1847 – nombre d'entre eux seront remaniés ultérieurement à Weimar – tandis qu'il menait en parallèle, à travers l'Europe, la carrière de pianiste virtuose que l'on sait, se réservant ainsi par devers lui, une sorte d'exutoire poétique nourri de Heine, Goethe, Hugo, mais aussi de Lenau, Kuh, Redwitz, Freiligrath, Geibel, Rellstab ou encore Herwegh. Tout un monde, où l'évocation poétique est constamment transcendée par le génie musical dans un égrégore bouleversant d'émotion et de modernité qui ouvrira une nouvelle ère et une autre voie (ou voix ?), offerte plus tard à Wolf, Mahler ou Strauss…

Entre joie et souffrance (« Freudvoll und Leidvoll »), voici un florilège de vingt lieder, comme autant d'instants où s'affirment la confondante maestria vocale de , soutenu par la distillante virtuosité pianistique d'. Vingt lieder pour faire montre d'une étonnante éloquence, toute naturelle, capable de passer du chant à la déclamation. Le timbre est le plus souvent sombre, parfois presque voilé, l'émission très nuancée depuis des aigus conquérants légèrement forcés jusqu'à des aigus filés d'une sidérante transparence, l'implication est totale comme habitée, plus souvent opératique qu'intimiste, magnifiquement adaptée à la prosodie, soutenue par l'accompagnement ciselé, complice, virtuose et équilibré d'.

Dès le premier lied « Vergiftet sind meine Lieder » le ton est donné, résolument théâtral (trop ?) dans la malédiction comme dans la confidence, à mille lieux de tout romantisme alangui. On admire sans réserve le legato, la précision de l'articulation, la richesse en nuances et contrastes des « Trois Sonnets de Pétrarque », tout comme la mise en miroir de « Freudvoll et Leidevoll » dans deux ambiances diamétralement opposées, ou encore les demi-teintes de « Die Loreley » ou de « Die stille Wasserose »… pour ne citer que quelques joyaux de ce disque admirable.

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