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Marin Alsop et le Philhar pour une nuit américaine

Dans un beau programme inspiré du « Nouveau monde » se montre à son meilleur dans la Symphonie n° 1 de , comme dans l'étrange Confession of Isobel Godwie de . En ouverture, le jeune remplaçait Truls Mørk souffrant dans le Concerto pour violoncelle de Dvořák.

Ancien violoncelle solo du West-Eastern Divan Orchestra, lauréat de plusieurs concours internationaux (Helsinki 2013 et Prix Leonard Bernstein en 2017) mène depuis 2018 une carrière internationale fulgurante. Sa discographie en exclusivité chez DG comprend des œuvres de Debussy, Mozart et notamment l'enregistrement du Concerto pour violoncelle de Dvořák avec la Staatskapelle de Berlin, sous la direction de Daniel Barenboim en 2020. Il fait, ce soir, ses débuts face à l'Orchestre Philharmonique de Radio-France.

Le Concerto pour violoncelle de Dvořák (1896) ouvre le concert. Entamé par avec une vigueur excessive, gommant toute poésie des grands espaces et tout accent Mitteleuropa, on constate rapidement un manque de liant entre orchestre et soliste, chacun racontant sa propre histoire : la sonorité soyeuse, profonde, et le legato du violoncelle Stradivarius « London ex Bocherini » du soliste s'opposant point par point au phrasé rugueux et rustique de l'orchestre conduit sans finesse par la cheffe américaine. Face au solo quelque peu hasardeux du cor, on retiendra la belle performance de Jérôme Voisin à la clarinette. et celle de Mathilde Caldérini à la flute. Plus convaincant, le second mouvement, tout imprégné d'un sentiment de nostalgie, fait la part belle au dialogue très réussi entre la petite harmonie et le soliste, avant que l'Allegro final ne renoue avec ses racines slaves porté par un violoncelle virtuose soutenu par les bois et le violon solo d'Hélène Collerette. En « bis », une mélodie secrète composée par Dvořák pour sa belle-sœur Josefina (dont il était amoureux) conclut cette première partie, accompagnée par l'ensemble du pupitre de violoncelles conduit par Nadine Pierre.

Envisagée comme un requiem pour la sorcière Isobel Godwie, accusée de sorcellerie au XVIIᵉ siècle en Écosse, conçue comme un véritable exercice d'orchestre et de direction, complexe, spiritualisée, très rythmique, riche en effets sonores et en timbres, The Confession of Isobel Gowdie de (1990) débute sur une longue pédale des vents dans une atmosphère d'immobilité stagnante à laquelle s'associent bientôt les cordes divisées préludant à une montée progressive de la violence portée par des injonctions de bois, de cuivres et de véhémentes percussions auxquels s'associe une mélodie grégorienne témoignant de la spiritualité de l'œuvre : tous éléments réunis dans une espèce de maelström musical, magmatique dont et le Philharmonique de Radio France donnent une lecture lancinante, envoutante, chaotique et tendue, parfaitement mise en place qui évolue jusqu'au climax constitué par le martèlement de treize accords, avant un retour progressif au calme et à la sérénité dans une manière de lamento qui n'est pas sans rappeler Arvo Pärt.

La Symphonie n° 1 de (1935) constitue le dernier volet de ce beau programme. Inspirée de la Symphonie n° 7 de Sibelius, elle ne comprend qu'un seul mouvement dont Marin Alsop livre une interprétation très théâtrale, dynamique, ludique, mettant en avant les différents pupitres de l'orchestre dont le cor anglais, la harpe, la petite harmonie et les cordes, avant de conclure sur une coda aussi sombre que grandiose au lyrisme poignant et douloureux : magnifique !

Crédit photographique : © Christophe Abramowitz/ Radio France

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