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Mélodies de Pauline Viardot par Stéphanie d´Oustrac

Ce qui étonne avec cet album de Stéphanie d'Oustrac consacré aux mélodies de , c'est qu'il ait fallu attendre le bicentenaire de la naissance de la cantatrice-compositrice pour qu'une chanteuse de premier plan s'approprie cette musique. Enfin !

fait partie des légendes de l'opéra, cantatrice adulée, muse adorée des compositeurs de son temps, mais aussi compositrice… dissimulée de son vivant, négligée par la postérité. Sait-on assez que la Bibliothèque Nationale lui doit de détenir le manuscrit du Don Giovanni de Mozart, dont elle fit don de son vivant ? Ce seul acte en dit long sur la personnalité, le flair, la vision de la musicienne.

Ainsi donc une femme compositrice au XIXᵉ siècle savait composer avant autant de variété, et une chanteuse pouvait être autre chose qu'un épigone de ces messieurs ? Eh bien oui. Et la composition ne fut pas qu'une passade puisque les mélodies choisies ici couvrent une vaste période de 1843 (Le Chêne et le Roseau) à 1904 (Sara la Baigneuse). Soit de l'année des Nocturnes de Chopin à celle de la Symphonie n° 6 de Mahler !

On est frappé par la variété des climats et les atmosphères pénétrantes que la compositrice sait créer : tragédie (Scène d'Hermione et une inédite Scène de Phèdre, toutes deux de 1887), opéra comique (Le Savetier et la Financier, de 1846 et remaniée en 1904, dont la gaieté et la grande variété de climats tout au long de ses presque sept minutes ne peut manquer de faire penser au Benvenuto Cellini de son admirateur Berlioz), lyrisme populaire de l'Italie (émouvante et entêtante complainte de Povera me) de l'Espagne (ambiance de cabaret de la Caňa espaňola en 1844-1850, les espiègles Filles de Cadix, Canción de la Infanta et Madrid, à l'allure si sévillane en 1887 qu'on n'est pas loin de Manuel de Falla), et de l'Allemagne (Nixe Binsefuß), charme élégiaque (Les Étoiles, 1867), nostalgie et douceur russe (Berceuse cosaque, en 1866, tellement simple et pure qu'elle est sœur des mélodies déchirantes qu'Ilse Weber écrira pour les enfants dans le camp de Theresienstadt durant la Seconde Guerre mondiale), fait mouche à chaque fois.

Stéphanie d'Oustrac fait merveille dans ce répertoire. Avec la complicité de la pianiste Françoise Tillard (autrice déjà d'un ouvrage sur Fanny Mendelssohn), son tempérament qui brûle les planches fait briller toutes les facettes d'une musique qui traverse toute l'Europe de Séville à Moscou, et le fait avec une justesse déconcertante. Un superbe album, qui se bonifie à chaque écoute.

A l'heure où l'Union Européenne se cherche des grands personnages pour incarner l'Europe sur ses billets de banque et devra immanquablement le faire dans un souci de parité, voilà la femme qu'il nous faut à côté de Simone Veil : Pauline Viardot !

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