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Programme peu marquant pour Kirill Petrenko et les Berliner Philharmoniker

Pour son troisième soir d'un programme où se mèlent Zimmermann, Lutosławski et Brahms, emmène des Berliner Philharmoniker fatigués sans proposer de vision particulière des œuvres interprétées.


Soit à cause du Covid-19, ou bien parce que le programme surprenant a dérouté une partie du public, la Philharmonie de Berlin est étonnamment peu remplie en arrière-scène pour le troisième soir de autour de trois compositeurs très différents. Le livret de salle tente bien de lier Zimmermann à Brahms sous le titre Die andere Moderne (Les autres modernes), et bien sûr de convoquer les mots de Schönberg pour défendre ce dernier. Pourtant, trouver une cohérence entre Photoptosis et la Symphonie n° 2 reste compliqué.

Alors peut-être la trouvera-t-on dans la direction de , comme depuis des années et encore lors de sa tournée de rentrée, surtout concentré à faire ressortir de chaque instant un accent, un tempo ou une phrase, sans l'insérer dans un tout. Deux ans après Alagoana, le chef revient à avec cette fois Photoptosis. L'œuvre est basée sur la lumière et écrite d'après les fresques d'Yves Klein peintes pour le Musiktheater de Gelsenkirchen, ville où elle fut créée en 1969, avant de réapparaitre huit ans plus tard à Berlin sous la direction de Hans Zender.

Kirill Petrenko développe d'abord les couleurs de Berliner non masqués et bien resserrés sur scène, au risque de faire jaser le public, intégralement sous FFP2 et privé de consommations à la pause. La seconde partie de la pièce utilise le collage et de nombreuses citations, du Poème de l'Extase de Scriabine à Parsifal de Wagner, en passant par la Neuvième de Beethoven, en plus de rappeler évidemment une œuvre créée l'année précédente : la Sinfonia de Berio. La dernière partie libère l'explosion de lumière, photoptosis, et bénéficie alors d'un orchestre magnifiquement dense.

Créée vingt ans plus tôt à Katowice, la Symphonie n°1 de est une partition du premier style du compositeur polonais, qui la dirigea lui-même devant les Berliner Philharmoniker en 1981. Encore sous l'influence de Chostakovitch, elle trouve certaines colorations sous la battue de Petrenko, sans y être ni assez compacte ni surtout très inspirée, sensation constatée dès le tutti initial puis pendant tout l'Allegro giusto. Le Poco adagio manque ensuite de tension et ne trouve que le grondement surfait des contrebasses, quand l'Allegretto misterioso ne traduit jamais le caractère mystérieux qu'on s'attend à y trouver. Sans particulièrement s'adapter au style de l'œuvre, l'Allegro vivace conclut l'interprétation avec une fougue bienvenue.

Au retour d'entracte, la Symphonie n° 2 de Brahms contraste avec la première partie, sans pour autant modifier véritablement l'approche du chef par rapport aux ouvrages précédents. Celui-ci n'approche jamais la partition romantique comme un tout, ni même comme une œuvre de tradition germanique. Devant une formation berlinoise qui présente de multiples références de l'ouvrage, il s'attèle là encore à une lecture à la mesure, s'amuse avec les thèmes ou propose des contresens par la mise en avant trop marquée des contrepoints.

Par exemple, le superbe développement des bois à L'istesso tempo, ma grazioso devient une démonstration de pizzicati de violoncelles, avant de laisser de belles nappes de cordes sans émotion. L'Allegro grazioso offre la même place prédominante aux pizz devant les bois, seulement portés par le fantastique hautbois de Jonathan Kelly, premier musicien à être levé par le chef aux saluts, avant même le cor solo, lui aussi excellent dès l'introduction. Attaqué par un accord de cuivres fort et mou, l'Allegro con spirito final alterne les mêmes effets et permet à Kirill Petrenko de jouer de chaque contraste, faire rouler le timbalier ou encore gronder les basses, exactement de la même façon que pour Lutoslawski.

Explosive dans les derniers instants, pour le plaisir d'une partie du public, la symphonie de Brahms ne peut faire oublier une interprétation sans vision précise. On se plait à imaginer également à quel point la Sinfonia de Berio aurait été plus en adéquation pour conclure ce concert.

Crédits photographiques : © Monika Ritterhaus

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