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Sandrine Piau joue les femmes puissantes chez Haendel

Alcina, Cleopatra, Lucrezia, Melissa, Morgana : autant d'héroïnes haendéliennes déchirées entre pouvoir surnaturel et douleur trop humaine. incarne leurs tourments passionnés sous la direction inspirante de et de ses Paladins.

Les grands opéras italiens de Haendel foisonnent de ces « perdantes magnifiques », femmes aussi puissantes que meurtries, héroïnes déchues qui cèdent au pouvoir de l'amour. Le Caro Sassone est au sommet de son art lorsqu'il prend la direction de la prestigieuse Royal Academy of Music et introduit à Londres la suprématie de l'opéra italien. Magiciennes et enchanteresses sont nombreuses dans son répertoire lyrique, et lui donnent l'occasion de mettre en avant ses talents de coloriste, soutenus par une écriture virtuose, tour à tour intime et spectaculaire. Les mouvements de concerto grosso qui s'intercalent entre les airs dans cet enregistrement servent d'écrin à l'émotion des extraits chantés. Après le répertoire allemand du XXᵉ siècle pour lequel elle a obtenu une Clef d'or ResMusica avec Clair-obscur, revient donc à ses premières amours avec Haendel, un de ses compositeurs favoris. « L'écriture de Haendel me convient vocalement » nous dit la soprano. On se souvient de sa magnifique interprétation d'Alcina en 2016. Sa complicité avec , rencontré lorsqu'ils chantaient tous les deux au sein des Arts Florissants, se confirme dans cet enregistrement qui les rassemble au disque pour la quatrième fois.

Les deux airs qui ouvrent le programme donnent le ton de l'ensemble : le premier, extrait de Lotario, est un air de bravoure plein de vocalises virtuoses, alors que le second, extrait de Rinaldo, est un poème élégiaque tout en délicatesse. Une large place est ensuite faite au personnage de Cleopatra avec deux airs et un récitatif extraits de Jules César. Dans l'air « Piangero la sorte mia », la soprano nous offre de très touchants pianissimi en dialogue avec l'orchestre. Ces extraits sont entrecoupés par des mouvements du Concerto grosso op. 6 n° 4, dont un superbe larghetto qui met en avant la très belle expressivité des violons. L'air de Lucrezia qui suit est un grand moment d'émotion avec ses chromatismes tout en douceur douloureuse. Le célèbre « Ah mio cor » d'Alcina qui suit offre des contrastes saisissants entre l'introduction très subtile des violons et la fureur désespérée de l'héroïne trahie, où se fait tragédienne, d'une théâtralité puissante. Toujours extrait d'Alcina, l'air de Morgana « Tornami a vagheggiar » apporte un peu de légèreté bienvenue dans ce paysage dramatique. La voix lumineuse et ductile de la soprano y fait merveille, avec des ornements d'une belle virtuosité. Le programme s'achève sur la très célèbre plainte d'Almerina dans Rinaldo, « Lascia ch'io pianga », incontournable succès de toutes les voix haendéliennes. On y retrouve les sons filés dont Sandrine Piau a le secret. Mais si ses qualités de tragédienne sont indéniables, c'est bien dans les airs moins explosifs que l'on admire le plus la délicate souplesse de cette voix aux mille couleurs.

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