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Avec Vladimir Jurowski, retour du Bayerisches Staatsorchester à Luxembourg

Avec un programme franco-anglais de la plus grande cohérence, enlevé par un orchestre allemand, une soprano française et un chef russe, ce concert de la Philharmonie rend indirectement hommage à la résistance ukrainienne.


On ne saurait rêver programme plus cohérent. Appartenant toutes à la première moitié du XXᵉ siècle, les quatre pièces retenues pour ce concert illustrent différents aspects du courant moderniste qui devait déferler sur l'Europe en amont puis en aval du conflit de 1914-1918. Les deux premiers morceaux du programme sont d'un compositeur connu pour son pacifisme. La première de ces deux pièces partage avec le morceau de Debussy inscrit au programme le fait d'être une suite orchestrale tirée à partir d'un opéra. À l'intimisme presque étouffant de la suite de Pelléas et Mélisande font suite les déferlements quasiment orgasmiques de La Valse de Ravel, proposée pour la fin du programme officiel.

Le , l'orchestre pour lequel ont autrefois composé Mozart, Wagner ou Richard Strauss, n'est sans doute pas la phalange à laquelle on aurait immédiatement pensé pour ce programme franco-anglais. De fait, les « Four Sea Interludes » tirés de Peter Grimes, s'ils révèlent idéalement les textures et les timbres extrêmement clair de l'orchestre, manquent quelque peu de mystère dans le « Clair de lune ». La virtuosité instrumentale de l'orchestre est plus à son avantage dans Les Illuminations du même Britten, même si la voix excessivement légère de n'est sans doute pas l'instrument idéal pour un cycle de mélodies qui appellerait une voix plus lyrique. On sait que, composé pour la soprano suisse Sophie Wyss, le cycle est depuis passé dans le répertoire des ténors. Il était donc relativement hardi pour Devieilhe de se produire dans cette œuvre marquée par tous les ténors anglais des dernières décennies. Incompréhensible dans le débit rapide de « Villes », la soprano française sait cependant trouver de beaux accents dans les pièces plus intimes du cycle, qui mettent en valeur la luminosité solaire de son timbre. On la préfèrerait presque dans le morceau offert en bis, une chanson populaire ukrainienne sobrement accompagnée au piano par le Russe . L'actualité du moment est dite dans ce choix.

Le morceau de résistance du concert est finalement la suite autrefois tirée de Pelléas et Mélisande par le chef d'orchestre Erich Leinsdorf. L'orchestre, riche de ses pupitres de cuivres, sait résolument trouver les couleurs sombres et inquiétantes qui marquent cette histoire sise au pays d'Allemonde. Les sonorités feutrées de ce morceau rarement entendu dans nos salles contrastent efficacement avec les agitations apocalyptiques de La Valse, que semble vouloir tirer vers un climat de fin du monde. En fin de concert, au moment des bis, une allocution du chef explique le choix du morceau retenu : la Berceuse héroïque composée en 1914 par Debussy en signe de protestation contre l'invasion de la Belgique par l'Allemagne, et un hommage au courage et à l'héroïsme du peuple belge et de son roi Albert I. Par les temps qui courent, il est parfois salutaire que le courage politique s'invite dans les salles de concert.

Crédit photographique : ; et le © Philharmonie Luxembourg

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