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Cédric Pescia et Philippe Cassard affrontent Beethoven et Liszt

L'Arsenal de Metz offre au public la rare transcription pour deux pianos de la Neuvième Symphonie de Beethoven, un défi passionnant.


La transcription est un art majeur, depuis d'Anglebert transcrivant Lully jusqu'à l'activité soutenue de l'École de Vienne en la matière, mais c'est un art méconnu. Notre conception du créateur démiurge ne tolère pas le partage des responsabilités, et l'image de l'artiste romantique reste solidement ancrée dans les mentalités. Pourtant, au cœur de l'ère romantique même, la transcription est une pratique fondamentale, ne serait-ce que comme vecteur de diffusion des œuvres jusqu'aux foyers bourgeois. La transcription pour deux pianos de la Neuvième symphonie de Beethoven par Liszt, naturellement, dépasse ce cadre domestique, à la fois par son ampleur sonore et par sa difficulté technique, et il faut remercier l'Arsenal et les deux pianistes d'avoir offert au public cette œuvre majeure greffée sur une autre œuvre majeure.

L'auditoire, à vrai dire, aurait tenu dans la petite salle de l'Esplanade, mais la matière sonore que dégagent les deux Steinway présents sur scène, elle, avait bien besoin des vastes espaces de la grande salle. C'est d'ailleurs une des limites de la soirée : des instruments plus proches de la pratique du XIXe siècle auraient certainement évité certains des excès sonores qui viennent perturber l'écoute. Hors quelques moments du troisième mouvement, ce qu'on entend va du mezzo-forte au fortissimo, ce qui est à la fois lassant et non conforme aux indications de Liszt : les indications piano, pianissimo ne manquent pas dans la partition, mais on ne s'en rend guère compte à l'écoute. Dans les passages fortissimo même, et naturellement surtout dans le dernier mouvement où les pianos remplacent tout à la fois orchestre, chœur et solistes, on arrive très près de la saturation sonore, au détriment de la clarté du discours. La difficulté considérable de la partition explique aussi une certaine raideur rythmique au détriment de la musicalité, mais tout ceci ne doit pas masquer l'essentiel.

Ce qui nous est offert là est une expérience passionnante pour tout mélomane ; on assiste fasciné à la radiographie d'une partition, au cœur du texte musical, à la fois fidèle à la note près à l'original de Beethoven et l'éclairant par le dialogue constamment réinventé des deux instrumentistes, tantôt affrontés, tantôt accompagnateurs l'un de l'autre, tantôt à l'unisson. et rendent un hommage convaincant à la virtuosité ébouriffée de Liszt, ici entièrement au service d'un monument qu'il révérait : un tel concert n'est pas seulement un plaisir esthétique, c'est aussi une véritable leçon de musique, et on n'a en matière d'écoute musicale jamais fini d'apprendre.

Crédit photographique : © William Beaucardet

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