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Lorenzo Soulès remporte le premier Prix du Concours de piano d’Orléans

Passacaille pour Tokyo de est la pièce imposée de la finale de la 15ᵉ édition du Concours International de piano d'Orléans qui invite sur la scène du théâtre l' dirigé par . Le compositeur et pianiste est au jury dont il a assuré la présidence.

Sur les dix-sept candidats qui ont concouru cette année, trois pianistes sont retenus pour la finale du dimanche, le Sud-coréen , la Japonaise et le Français . Dans une première partie de programme, ils jouent dans cet ordre et à tour de rôle la partition de . Les trois exécutions offrent au public l'occasion extrêmement rare d'entrer plus avant dans le son d'une œuvre complexe autant qu'éblouissante, qui met dans les coulisses un autre piano – « l'ombre du soliste » – jouant en résonance avec lui. Dans cette pièce exigeante d'une vingtaine de minutes, l'ensemble de dix-sept instruments prolonge les gestes du soliste plus qu'il ne concerte avec lui. Le terme de passacaille fait référence au procédé d'écriture de l'époque baroque où s'engendre une suite de variations au-dessus d'un motif qui se répète. Chez Manoury, le motif de base de la passacaille est présenté en parfaite symétrie par rapport à une note centrale du clavier « et se trouve progressivement projeté dans des miroirs de plus en plus déformants au cours de ses multiples transformations », explique le compositeur. L'œuvre est écrite en 1994 pour le virtuose japonais Ichiro Nodaira, pianiste et compositeur présent lui aussi dans les rangs du jury.

Très concentré et mettant à l'œuvre des capacités techniques évidentes, donne une interprétation solide et tout à fait convaincante de l'œuvre même s'il reste un peu en retrait par rapport à l'ensemble, sans offrir une grande variété de couleurs sur son clavier. Réactive et très investie elle aussi, n'a pas la même puissance dans le son et se laisse parfois submerger par l'orchestre. Mais on apprécie chez elle l'envergure du geste et la fluidité du jeu qu'elle partage avec ses partenaires, suscitant de très beaux moments dans la partition. possède, quant à lui, la virtuosité autant que la souplesse et cette capacité à anticiper le son que l'on n'avait pas encore ressenti chez les deux premiers candidats. S'entend dans son jeu le souci constant de timbrer tous les registres de son clavier et une écoute active de ses partenaires donnant lieu à quelques belles hybridations sonores et autres finesses d'écriture mises ici en valeur.

Les candidats sont seuls en scène et le programme est libre dans la seconde partie de la finale, agréablement présentée, comme l'ensemble de la manifestation, par François-Xavier Szymczak, bien connu des auditeurs de France Musique.

a choisi les Trois mouvements de Petrouchka, un arrangement pour piano du ballet éponyme réalisé par Stravinsky en 1921 ; la partition est à haute tension, que certains tiennent pour une des plus difficiles du répertoire. Chi-Ho Han s'y lance avec un bel enthousiasme et beaucoup d'aisance, se jouant des difficultés techniques dans une interprétation éblouissante mais qui ne retient pas toujours l'intérêt de l'écoute. Für Alina d'Arvo Pärt, non plus… un second choix discutable dans une finale de concours !

On s'étonne également du programme de . La pianiste a choisi la Suite pour piano op.25 d'Arnold Schönberg, une partition qui, loin d'être aride, n'en est pas moins très abstraite. La pianiste l'aborde avec beaucoup de soin dans le phrasé et d'élégance dans le geste mais une certaine neutralité dans la couleur, là où d'autres pièces mieux choisies l'auraient davantage mise en valeur. Elle nous fait découvrir la partition de son compatriote Gandai Atsuhiko (né en 1965), une pièce inconnue du grand public pour laquelle il est difficile de se prononcer, tant pour la qualité de la lecture que pour celle de l'interprétation.

On est par contre totalement séduite par les deux œuvres sélectionnées par , un pianiste de 29 ans déjà connu sur la scène internationale (1er prix du Concours de Genève 2012), que l'on a suivi au festival Messiaen en 2016 et en 2017. Formé durant quelques quinze années auprès de Pierre-Laurent Aimard à Cologne, Lorenzo Soulès marche sur les brisées de son maître tout en affichant une personnalité et une oreille singulières. En témoigne l'interprétation du Baiser de l'Enfant-Jésus, extrait des Vingt regards sur l'Enfant Jésus d', un cycle qu'il a bien entendu à son répertoire : une musique « tendre comme le cœur du ciel », nous dit Messiaen, pour laquelle il trouve des sonorités et une résonance qui n'appartiennent qu'à lui. On apprend également qu'il a travaillé avec Alicia de Larrocha et que le répertoire ibérique est également sous ses doigts. La Fantasia Baetica de qu'il offre au public, une partition que peu de pianistes se risquent à jouer, est flamboyante, magnifiquement architecturée et sans effet de manche, dans la pure tradition du cante jondo dépouillé de tout excès folklorisant. La conduite est impeccable et l'énergie du geste sidère chez ce pianiste très étonnant.

Sans grande surprise, c'est notre candidat favori qui remporte le premier Prix Blanche Selva, ainsi que le Prix du public, celui des élèves du Conservatoire d'Orléans et le Prix Denisov. Les deuxième et troisième Prix sont respectivement attribués à Chisato Taniguchi et Chi Ho Han.

Crédit photographique : © Concours de Piano d'Orléans

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