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La trompette cinéphile de Romain Leleu

Nouvelle actualité discographique de : le premier enregistrement de Move, le concerto pour trompette de , embarque dans son sillage une flopée de tubes cinématographiques.

, trompettiste de formation classique (premier concert à l'âge de 14 ans, Victoire de la Musique Classique en 2009), gourmand de rencontres (Escaich, Laloum, Braley…), tenté par les chemins de traverse que la vie propose aux musiciens à l'écoute de leur temps, a déjà montré au concert comme au disque, son goût pour le cinéma, le 7ème Art ayant offert à son instrument de prédilection plus d'un morceau mémorable.

Au début des Trente Glorieuses, le thème à la trompette qui dialoguait en trio avec Gelsomina et Zampano dans La Strada (1954) a fait pleurer plus d'un foyer. D'autres thèmes aussi inscrits dans la mémoire populaire refont surface dans le long travelling musical entrecoupé d'intertitres sonores évocateurs (tacatac ferroviaire, ressac marin, grillons nocturnes…) imaginé par .

Première séance : La Trilogie du Parrain de Coppola (1972), dans une Suite de dix minutes incluant bien sûr le célèbre Parla piu piano que avait composé pour Fortunella (1958). Douze des quinze numéros élus s'éloignent insensiblement des originaux dans les très habiles orchestrations de Manuel Doutrelant, complice de Romain Leleu sur Face(s) à Face(s) sorti en 2021. On ne se lasse pas des retrouvailles avec l'inusable Et pour quelques dollars de plus (1965) de Morricone. La trompette du successeur de Maurice André pousse hors du cadre le hautbois de l'Emmanuel de (1975), seul intrus télévisuel d'un programme entièrement descendu du grand écran. Mis à part le très beau Baïkal d' pour Dans les forêts de Sibérie de Safi Nebbou (2016), le Chinatown pour Polanski (1974), presque expérimental dans un contexte aussi balisé, de , ou enfin le The Dream jazzy méconnu de pour Dingo (1992) en compagnie du saxophone de , aucune surprise programmatique à l'écoute d'un enregistrement qui rajeunit seulement le spleen bien connu des improvisations de (Ascenseur pour l'échafaud, 1958) et permet de mémoriser enfin les auteurs de deux standards hollywoodiens : Cheek to cheek d' (1935) et, surtout, Moon River d' pour Breakfast at Tiffany's (1961).

Pièce maîtresse du disque, Move de confirme, après son Concerto pour piano, la tentation de l'échappée belle hors de l'univers jazzy qui était le quotidien du compositeur. Exception faite d'une deuxième section aux allures de nocturne, le mouvement est le mot d'ordre de Move dont les vingt-cinq minutes, composées pour la trompette de Romain Leleu, sont prometteuses bien qu'encore en déficit de véritable inspiration mélodique.

Ce raout cinématographique est aussi un raout d'interprètes : ressuscite le fantôme de ; le Romain Leleu Sextett et le Trio assurent la partie jazz (Davis, Legrand, Berlin -ce dernier invitant la voix de Sloe) ; le très symphonique Stuttgarter Philharmoniker se taille la part cinémascopique du disque.

Romain Leleu, même troquant la trompette pour le bugle, brille bien sûr dans tous les morceaux, et notamment dans l'incontournable Grand choral que l'immense avait composé pour magnifier La Nuit américaine de François Truffaut (1973). La dentelle orchestrale, la puissance émotionnelle de cette pièce sublime en font assurément le plus bel hymne dédié à l'instrument vedette de ce disque sous-titré (en français) : The trumpet as a movie star. Moteur !

Le programme de ce disque sera interprété le 25 avril à La Scala Paris par le Romain Leleu Sextet.

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