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Voyage à travers le vitrail d’un monde multicolore avec Jean-Frédéric Neuburger

Une création mondiale, Autour de , et, autour… un programme bouleversé à la dernière minute pour cause de déchirure musculaire, puisque Chopin et Debussy sont remplacés par . Un beau moment toutefois, qui se termine en apothéose par l'opus 19 de Schoenberg donné en bis.

Pierre Charvet se présente devant le public de l'Auditorium de la Maison ronde pour annoncer que le programme du récital a changé le jour même, étant en petite forme. Cela n'empêche pas ce dernier d'assurer un beau concert. Le nouveau programme comprend trois œuvres de et une signée .

S'il fallait qualifier d'un mot le jeu du pianiste, celui de « clarté » s'imposerait d'emblée, une clarté qui englobe à la fois un phrasé naturel sans recherche d'effets, l'étagement des plans sonores et un savant dosage des dynamiques dans des œuvres aussi différentes, cette après-midi, que celles de Bach, Hurel et, pour finir, Schoenberg. Une clarté que l'on retrouve dans son amour de l'œuvre de Xenakis, qu'il qualifie de lumineuse, ainsi que dans les titres de ses propres compositions : Plein Ciel (2012), Aube (2015) ou encore Les Lumières du manège (2015). Il n'y a jamais rien de précipité, tout semble à sa place car bien analysé en amont, ainsi dans la fameuse Chaconne de Bach transcrite par Brahms. traverse la scène et s'assoit au piano, prenant son temps avant d'enchanter le nôtre : l'aisance et la simplicité emportent l'auditeur dans la plénitude d'un cheminement musical. Se dégage également une vraie gravité sans lourdeur : le fait d'un interprète qui a fait ses choix et a trouvé le juste milieu. Rendu plus immédiat, Bach se fait ainsi notre contemporain, tout comme dans la Partita n° 2, enchaînée juste après et plus encore dans la n° 1, jouée en fin de concert.

Première pièce pour piano solo de (né en 1955), Autour (2019-2020) fait de l'instrument un orchestre à lui seul, les extrêmes aigus et graves s'animant régulièrement autour, précisément, du propos central. Une belle énergie traverse la pièce de part et part, que le pianiste, dédicataire, envoie aux quatre coins de l'auditorium. La tension se relâche peu, entretenue par de nombreux staccatos et de brefs motifs aux mains parallèles. Si quelques effets de timbre s'entendent çà et là (on se demande d'ailleurs ce qu'ajoutent les nombreux pincements de cordes qui obligent le pianiste à se lever régulièrement), c'est plus l'architecture de l'ensemble qui donne son caractère à ce morceau signé d'un compositeur spectral.

s'empare du micro pour dédier ce récital à son ami Nicholas Angelich, disparu la semaine dernière et à qui il rend hommage en offrant le magnifique bis des Sechs Kleine Klavierstücke op. 19 (1911) de Schoenberg (1874-1951). Comment ne pas faire ici le parallèle avec la mort de Gustav Mahler (1860-1911), survenue peu de temps avant la composition de la dernière de ces Six Pièces, « Sehr langsam », « Très lent » ? Après le déluge de notes entendues auparavant, place donc à l'ascétisme de miniatures athématiques qui rapprochent Schoenberg de Webern. Et l'on est surpris de voir l'attitude physique du pianiste changer du tout au tout afin de restituer pleinement l'atmosphère fantomatique qui hante l'œuvre. Un long silence aurait dû faire suite à cette sublime offrande.

Jean-Frédéric Neuburger remercie sobrement son public et retourne dans les coulisses, suivi d'invisibles muses.

Crédit photographique : Jean-Frédéric Neuburger © Chistophe Abramowitz

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