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Les Traversées Baroques mettent en lumière les madrigaux de Mazzocchi

Les véritables miniatures du théâtre baroque que sont les madrigaux italiens de la première moitié du XVIIᵉ siècle trouvent ici les couleurs variées qu'ils méritent.

Le livre de madrigaux profanes à cinq voix de parait à Rome en 1638, à une date où la forme déjà archaïque du madrigal est en déclin, en dehors du domaine de la musique religieuse. Cette forme reine de la polyphonie de la Renaissance a laissé la place à la seconda prattica initiée par Monteverdi, et à la monodie accompagnée. Mais , musicien féru d'expérimentations musicales, innove toutefois dans ses partitions en ajoutant des indications de nuances interprétatives (piano/ forte/ echo/ messa di voce …), chose inusitée à l'époque. Quant à son écriture, elle multiplie les audaces harmoniques et les effets expressifs riches en dissonances. Proche des cercles d'influence de la papauté, le romain Mazzocchi s'empare des textes poétiques de son époque pour une mise en musique qui est un véritable manifeste de l'illustration des affects.

Explorer les musiques anciennes méconnues et emprunter des chemins de traverse, tel est le credo des Traversées Baroques, conjointement dirigées par (direction artistique) et (direction musicale). Il y a un an, ils consacraient un CD à un oratorio oublié de Bonaventura Aliotti, Il trionfo della morte. Aujourd'hui, c'est donc aux madrigaux peu connus de qu'ils consacrent leur nouveau disque. Enregistrée pour la première fois, la deuxième pièce du programme intitulée Passacaglie, qui est aussi la plus développée, commence par un dialogue amoureux à trois à l'allure de pastorale, avant un passage tout en délicatesse pour décrire le visage de l'être aimé, sur un accompagnement de théorbe seul. Elle se termine avec les trois chanteurs sur une basse lancinante de passacaille. Pour chaque madrigal, la forme musicale colle parfaitement aux affects évoqués par le texte, comme il se doit, et la richesse de cette écriture repose principalement sur le jeu des contrastes expressifs. L'accompagnement instrumental très varié sert à merveille les émotions chantées : flûtes pour les atmosphères champêtres, basson à l'évocation des tempêtes, continuo inventif aux riches couleurs. Seul madrigal chanté a capella, Di marmo siete voi rappelle, par ses chromatismes et ses dissonances, l'écriture tourmentée d'un Gesualdo. Et le madrigal Lidia ti lasso, ici entièrement instrumental, permet d'apprécier la belle expressivité des instruments de dessus, violon et cornets, et celle des violes : il nous semble entendre les paroles du poème dans les lignes instrumentales. Une seule réserve pour un programme justement intitulé Prima le parole : que le texte chanté ne soit pas toujours parfaitement compréhensible, malgré les grandes qualités vocales des interprètes.

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