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Le Songe d’une nuit d’été de Neumeier de retour à Munich

Illustration idéale des pouvoirs narratifs de la danse, le chef-d'œuvre de Neumeier bénéficie d'une troupe convaincante pour le théâtre comme pour la technique.


Oublions un peu l'actualité – la nomination éclair, et prometteuse, de Laurent Hilaire pour diriger le Ballet de Bavière en lieu et place d', dont le positionnement politique était intenable depuis longtemps. Place à la danse, donc, dans le cadre d'une programmation faite naturellement par Zelensky et avec des répétitions que Hilaire n'a dû superviser que dans les tous derniers jours. Le Songe d'une nuit d'été, à vrai dire, est entré au répertoire du Ballet de Bavière dès 1993, sous la direction de Konstanze Vernon ; il fait donc partie de l'identité profonde de la troupe, qui a construit une relation de longue durée avec et avec ses ballets. Après plusieurs années de pause, cette soirée printanière – la 99ᵉ représentation au Ballet de Bavière ! – marque le retour au répertoire d'une pièce qui n'a rien perdu de son pouvoir de fascination, et elle bénéficie d'un public à la fois enthousiaste et concentré. Il n'est sans doute pas nécessaire de décrire en détail ce grand classique, même si on ne l'a plus vu à l'Opéra de Paris depuis 2001, mais on ne se lasse pas de cette capacité unique de Neumeier à tout exprimer par la danse, y compris, ici, au fil des trois mondes qui s'entrecroisent, un humour qui fait mouche sans jamais manquer de tendresse.

On a pu reprocher à Zelensky, pendant ses six années de direction, son incapacité à constituer une troupe stable avec une identité identifiée, mais force est de constater ce soir que cela ne se voit pas : on voit une véritable troupe, qui semble heureuse de danser, et impliquée jusqu'au dernier petit rôle. Les moins enthousiasmants sont le couple princier, dont le partenariat n'est pas sans défaut : est trop lisse aussi bien en duc d'Athènes qu'en Obéron ; , elle, est pleine de délicatesse et d'émotion en Hippolyte, mais manque d'énergie féline en Titania – les scènes féeriques y perdent beaucoup de leur magie. Heureusement, autre personnage janiforme, unit efficacement la malice et la curiosité impénitente de Puck avec la pompe maussade et même inquiétante du maître de cérémonie ; il est rare qu'un danseur puisse faire sentir ainsi que ces deux faces de son rôle sont un seul et même personnage.

Les plus grandes qualités, cependant, se retrouvent chez les humains de l'histoire, un efficace groupe d'artisans patauds, mais surtout un remarquable quatuor juvénile. Le rôle d'Hermia, l'amoureuse éperdue toujours un peu en décalage avec son environnement, est toujours un rôle payant, mais va bien au-delà, avec une technique parfaite qui lui donne toutes les clefs pour construire son personnage, sans caricature, l'humour toujours corrélé à une émotion : chacune de ses apparitions fait merveille. Helena () est un rôle plus classique d'amoureuse comblée, mais elle ne se contente pas de jouer de ses charmes ; il y a dans sa grâce une fragilité, une interrogation, qui donnent de une vie intérieure à son personnage. Leurs deux amoureux, en jardinier naïf, Dmitrii Vyskubenko en officier automate du garde à vous, complètent efficacement le quatuor avec des partenariats efficaces et une caractérisation appréciable, mais ici, décidément, priorité aux dames. C'est à cela qu'on voit les qualités intrinsèques d'une troupe de danse : pas seulement la technique et le faste des décors, mais la capacité à insuffler la vie aux pièces du répertoire. Laurent Hilaire pourra bâtir son action sur des bases solides.

Crédits photographiques : © Katja Lotter

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