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Forsythe dans la lumière du Ballet de l’Opéra de Lyon

Retour à Paris du avec la reprise de deux pièces du répertoire de , dont le merveilleux Quintett, et une création récente de .

Il est toujours fascinant de voir de nouveaux danseurs s'emparer d'une pièce de dont on a pu voir la distribution d'origine, en particulier , épouse de et , également costumier de la compagnie, mais aussi Jacopo Godani, Thomas McManus et Jone San Martin. Tous étaient en 1993 des stars du Ballet de Francfort dirigé par William Forsythe.

Chaque nouvelle distribution de Quintett, que Forsythe a transmis à différentes compagnies, dont celle du Ballet de l'Opéra de Lyon en 2011, laisse son empreinte, sa marque propre, son visage, se superposant aux interprétations précédentes. C'est le cas ici avec ces cinq danseurs exceptionnels du , qui diffusent une énergie différente de la création telle qu'elle avait été imaginée par Forsythe. Les deux filles sont plus athlétiques dans le bas du corps que les deux danseuses d'origine. A contrario, les danseurs ont une interprétation plus fluide, moins dynamique de la chorégraphie originelle, mais tout aussi intéressante. Ce passage du temps se fait en harmonie avec la musique lancinante de Gavin Bryars, Jesus' Blood Never Failed Me Yet, ritournelle obsessionnelle qui sert de terrain de jeu aux danseurs.

On retrouve avec plaisir ces qualités athlétiques et le niveau hyper technique des danseurs lyonnais dans One Flat Thing, reproduced, autre succès planétaire du Ballet de Francfort, créé en 2002 et entré en 2004 au répertoire du Ballet de l'Opéra de Lyon. Ces « flat things », ce sont des tables (comme des praticables) qui occupent la quasi-totalité du plateau, laissant un mince couloir aux interprètes pour se déplacer. La précision est requise pour ne pas se blesser ou se réceptionner hors de l'espace de danse. Des motifs chorégraphiques sont reproduits individuellement ou à l'unisson par les danseurs qui utilisent tous les ressorts de cette encombrante scénographie : devant, derrière, dessous, dessus ou sur les côtés. Pièce de groupe qui ne se regroupe pas, langage corporel obsessionnel, toutes les marques de la signature Forsythe sont réunies dans ce ballet diabolique.

On aurait pu imaginer que Sheela Na Gig, création de pour sept jeunes interprètes féminines du qui ouvre la soirée, formerait un intéressant prolongement à ces deux pièces de répertoire contemporain. a en effet été interprète pendant plus de dix ans du Ballet de Francfort et de la Forsythe Company, pour laquelle il a créé plusieurs pièces.

Commande du Ballet de l'Opéra de Lyon créée en novembre dernier, Sheela Na Gig mise sur un travail vocal a cappella autour de chansons populaires dans plusieurs langues. Il est étonnant d'avoir proposé à de si jeunes danseuses ce travail qui s'éloigne de leurs pratiques corporelles. Sans technique vocale, ni travail polyphonique abouti, leur interprétation devient rapidement criarde, au risque pour ces jeunes femmes de se casser la voix.

Ce dispositif, qui n'est musical que de nom, fait écran à la danse et rend illisible la chorégraphie. Sur un plateau recouvert d'un tapis de danse rouge sang, qui remonte dans les cintres, et de deux miroirs au sol, ces très jeunes femmes semblent davantage faire la fête dans un enterrement de vie de jeune fille que participer à un spectacle de danse. On est loin de la rigueur et de l'exigence intellectuelle de Forsythe, du plaisir purement visuel dégagé par sa chorégraphie aussi.

Crédits photographiques : © Michel Cavalca

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