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Lucile Dollat dévoile quelques secrets musicaux à l’orgue du Château de Versailles

La collection « L'âge d'or de l'orgue français » de Château de Versailles Spectacles s'enrichit d'un septième volume, cette fois-ci consacré à quelques raretés du répertoire des trois derniers règnes de l'Ancien régime. et se sont associés pour souligner remarquablement ces moments parfois secrets.

Le titre de l'album intrigue quelque peu : Que sont donc ces « Tiroirs secrets » évoqués par l'éditeur ? On pense bien sûr à ces secrétaires munis de nombreux petits tiroirs, parfois à mécanismes d'ouverture sophistiqués, qui servent à dissimuler quelque document précieux. Plus subtilement encore un indice nous est donné ici avec la photo qui orne la pochette du CD, celle des claviers de l'orgue de la Chapelle royale, reconstitués tel qu'ils étaient à origine en 1710. Sur ce style de mécanique, certains claviers pouvaient être réunis comme sur un clavecin pour permettre à plusieurs plans sonores de parler en même temps. Pour cela un clavier coulisse sous l'autre mettant ou non en contact des petits talons en bois. C'est le système dit « à tiroir ». L'utilisation de ce principe peut lui aussi apporter sa part de mystères et de secrets au cours de l'exécution de ce répertoire, voilà ce qu'évoque cette pochette au premier coup d'œil, c'est bien trouvé !

Le présent programme offre à l'auditeur divers auteurs plus ou moins connus. Citons le plus célèbre d'entre eux qui prend place en tête de ce CD : Claude Balbastre qui fait partie des tous derniers musiciens de l'Ancien régime. Organiste à Paris en l'église Saint-Roch et à Notre-Dame, il délectait les foules de ses pièces endiablées sur divers thèmes notamment de Noël. Il pris part au Concert spirituel en proposant divers concertos pour orgue. Cette grande salle de concert installée dans le Palais des Tuileries était dotée d'un orgue permettant l'exécution de telles œuvres. Le Concerto en ré majeur se compose de quatre mouvements sur un plan « à la française » avec une Ouverture suivie d'un allegro, d'une Gigue et d'un Final. L'orgue de cette salle vraisemblablement construit par le facteur lyonnais Jean-Baptiste Micot comprenait toutes les caractéristiques d'un grand orgue d'église, comme ici au château de Versailles et proche d'un original de Micot encore conservé à Saint-Pons de Thomières (Hérault). Le concerto sonne en gloire dans la large acoustique de la chapelle. François d'Agincour fait partie de l'école rouennaise et fut organiste du roi à Versailles. Il a composé pour le clavecin et l'orgue, dont ici deux Suites comprenant les mouvements habituels indiquant les noms de jeux à utiliser, ce qui nous permet d'écouter un ensemble important de mélanges, caractéristiques de cette période.

reste encore de nos jours un musicien assez secret et sa musique pour clavier est l'une des plus intéressante qui soit, car avant tout très originale. Elle est composée à mi-chemin entre une écriture pour le clavecin et pour l'orgue, ce qui est finalement très rare. Il dit lui même dans sa préface qu'elles s'adressent aux claviers, mais aussi à toutes sortes d'instruments. Les titres évoquent divers sentiments dont l'Allégresse, la Paix ou la Béatitude, cette dernière étant son chef-d'œuvre absolu, emplie d'une troublante et émouvante énergie. Pour finir, André Raison qui lui aussi fut un musicien d'importance sous Louis XIV était organiste à Paris en l'église Saint-Geneviève du Mont. A l'occasion de la célèbre opération chirurgicale de Louis XIV, Raison compose une œuvre monumentale, une sorte de grand Offertoire en plusieurs sections dont la dernière reprend un chant de louange « Vive le Roy des parisiens », que la foule entonnait sur son passage. A elle seule cette pièce brillante fait la gloire de son auteur, encore largement jouée de nos jours au concert.

La participation à ce programme de à l'orgue et aux percussions en ce lieu privilégié apporte une relief étonnant à ces musiques. Les facteurs d'orgue Jean-Loup Boisseau et Bertrand Cattiaux ont su pleinement reconstruire l'orgue de Versailles suivant les principes dictés par les anciens et leurs gestes retrouvés. A la suite et suivant la même démarche gestuelle, apporte une vérité de ton, de style, de toucher au clavier, indispensables pour redonner à ces textes leurs éclats et leur authenticité. Elle prolonge l'enseignement de ses maitres dont , lui-même disciple de qui fut l'un des pionniers de l'interprétation ancienne retrouvée. La présence de aux percussions ponctue le discours musical à la fois avec efficacité et sobriété. Ses interventions souvent discrètes (!) pour des percussions suffisent à apporter une note entrainante qui s'avère enthousiasmante.

La prise de son très équilibrée nous offre deux musiciens en harmonie sonore, magnifiée par l'acoustique elle aussi parfaitement captée. Et pour rester sous le charme jusqu'au bout de ces musiques magiques du grand siècle, on pourra se laisser séduire à la fin par un Concert de flûtes de D'Agincour (Suite n° 2), sur ces jeux doux sublimes de l'orgue de Versailles.

L'éditeur Château de Versailles Spectacles a été sacré label de l'année 2022 par le jury des (ICMA).

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