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Une biographie atypique et attachante des Casadesus par Frédérick Casadesus

À l'évidence, seul l'un des membres de la famille Casadesus pouvait se lancer dans une telle aventure. Journaliste, Frédérick Casadesus nous convie – le mot est approprié lorsque le style est aussi élégant – à la découverte (complexe) d'une famille française.

Les premières lignes incitent au voyage : « Les Casadesus vivent de musique et de théâtre depuis plus de cent cinquante ans. Gestes fauves, murmures, cavalcades en coulisses, tirades sous les poursuites, chaque génération s'efforce de porter sur la scène sa contribution […] Les Casadesus ne vivent pas que d'amour. Eh, oui cela reste une famille ! Et s'ils ne prennent pas pour modèle nos amis les Atrides, ils connaissent les délices de la brouille, la volupté de la colère, les vertiges de la compétition. Mais ne comptez pas sur nous pour vous offrir un livre de poison, des révélations de basse-cour […] ». Nous voilà prévenus.

L'aventure débute en Catalogne durant la guerre menée par Napoléon Ier, en 1812. La violence marque la vie des premiers Casadesus qui francisent les prénoms lorsqu'ils s'établissent de l'autre côté des Pyrénées avant de “monter” à Paris. La dynastie d'artistes naît avec une première enfant, Francesca, costumière au Théâtre du Châtelet. Historien de formation, l'auteur tisse de charmants portraits, d'autant plus attachants qu'ils s'insèrent dans des descriptions colorées de la société de l'époque, ballottée entre élans révolutionnaires, républiques instables et tentatives de restaurations monarchiques. La famille ne cesse de rechercher un statut tout en défendant farouchement l'idéal d'une liberté d'artistes joliment résumée par la belle formule : « saltimbanques, ils se rêvent rois ». C'est l'époque où les personnages se donnent des noms de scène, une tradition qui se poursuit en France jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. C'est aussi le temps des jeunes femmes de condition modeste, qui mettent au monde des enfants de pères fortunés qui abandonnent leur passion aussitôt la “faute” commise. Les petits métiers de ces Espagnols à la mémoire longue, devenus farouches Français au point qu'ils s'engagent dans la Garde nationale, moins par conviction politique que par foi en leur patrie d'adoption ne sont pas incompatibles avec leur passion pour les arts qu'ils découvrent et pratiquent en autodidactes. Dès la IIIe République, la destinée musicale de la tribu s'affirme, quand bien même la misère affleure plus souvent que les cotillons, que les crève-la-faim et les bourgeois encanaillés se croisent. La fantaisie s'acharne sur cette dynastie jusque dans les inventions délirantes d'un certain Luis. Tout cela rappelle les portraits de la société d'un Huysmans avec, toutefois, un optimisme inébranlable.

L'un des secrets de cette famille – avec quelques ombres durant les périodes de guerre, comme dans toutes les familles -, est le mélange fort instructif des arts populaires et savants. Les uns rencontrent Bruant, d'autres travaillent avec Franck et Charpentier, croisent Saint-Saëns et Lucien Capet, fondent le Conservatoire Franco-Américain de Fontainebleau, pratiquent l'alto, le violoncelle, le clavecin et se passionnent, en 1901, pour les instruments anciens. Progressivement, la famille gagne en pouvoir, favorisant la nomination d'un Monteux à Boston, accueillant avant toute la bonne société, les artistes qui composeront les Ballets Russes. L'empirisme et le goût sûr font merveille.

est assurément le plus célèbre, du moins celui dont le prénom affirme l'image de la famille aux yeux du grand public. Une carrière internationale, une discographie prestigieuse, l'amitié de Ravel, Szell… n'ont nul besoin d'être décrites en détail. La disparition du fils, Jean, a raison du patriarche. La famille poursuit l'aventure. Régisseur, directeur de la scène, chanteur, danseur, cinéaste, photographe, peintre, acteur (Gisèle Casadesus, bonne pianiste au demeurant et pour ne citer qu'elle !)… Chacun se distribue un “rôle” à sa portée, femmes et hommes sans distinction. L'intuition et un travail acharné, le respect de l'apprentissage, une certaine forme de compagnonnage font le reste. Ainsi, reprenant le flambeau, musicien et bien davantage car initiant avec l'Orchestre national de Lille, une manière nouvelle de penser l'orchestre au sein de la cité.

Douleurs et tragédie, fierté et indépendance composent cette famille. Comme bien familles françaises. Le panache et la concentration des talents en plus.

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