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Maud Le Pladec fait éclore deux danseuses dans Silent Legacy

fait sensation au Festival d'Avignon avec Silent Legacy, un double programme sur la détermination d'être danseuse. On y découvre , krumpeuse de 8 ans et , jeune professionnelle dans un spectacle exceptionnel.

Et si la meilleure danseuse du Festival d'Avignon 2022 avait 8 ans et s'appelait ? Découverte grâce à des vidéos postées par son père sur Internet, elle est canadienne. Sorte de « mini-moi » de , casquette vissée sur la tête, baskets blanches à semelle épaisse, Adeline s'avance, encadré par la poursuite carrée qui suit chacun de ses pas. On n'avait jamais vu dans un visage d'enfant autant de rage et de détermination, à tel point qu'elles déforment son visage quand elle danse.
« Elle danse comme si elle avait des factures à payer depuis 1990 » dit d'elle JR Maddripp, alias West, qui l'a entraîné et lui a appris à avoir une voix. « Puissance, maturité, compréhension de la vie s'incarnent dans cette petite fille » a pensé quand elle l'a rencontrée. « Elle avait compris la souffrance originelle. »
Quand elle krumpe, c'est son corps entier qui tremble, tressaille et suit la musique. Ses mains, toutes fines, et ses bras restent en suspens, délicats, tandis que la boule de nerfs s'embrase, pas après pas. L'effet qu'elle produit sur le public de Silent Legacy est inverse à celui provoqué sur le jury par le solo de la jeune héroïne du film américain Little Miss Sunshine. Fascinés, hypnotisés, enthousiasmés…

Face à elle, sur un fauteuil du premier rang, West, son coach et mentor, la suit des yeux, ne la lâche pas. Soudain il se lève, l'accompagne dans un duo malicieux, où le contraste entre le corps minuscule de la fillette et celui, massif et rond du krumper, réjouit par sa tendresse et sa générosité. Regard bienveillant sur l'enfant, qu'il porte sur ses épaules et qu'il revêt d'une cape à franges multicolores, pour un final époustouflant.

Autre atmosphère, autre génération avec , la danseuse à laquelle Adeline passe le relais dans une jolie séquence silencieuse. La jeune danseuse, passée par PARTS et déjà chez Anne-Teresa De Keersmaeker, est élancée et concentrée. Dans les starting-blocks, elle occupe le plateau dans des élans intenses et généreux. Elle est vêtue d'une sorte de combinaison marron assez peu seyante. Rien n'est fait a priori pour la mettre en valeur, si ce n'est la scénographie lumineuse et très plasticienne d'Eric Soyer, qui exploite avec art la configuration du cloître des Célestins.

L'étonnant trio revient saluer, illustrant le titre Silent Legacy, qui est en définitive une émouvante histoire de transmission. « Un hommage à la danse, à la manière dont elle nous construit, nous émancipe, intellectuellement, physiquement et intimement », selon Maud Le Pladec. Un spectacle exceptionnel qui fait surgir en nous émotion et réflexion sur l'art d'être danseuses.

Crédits photographiques : © Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon

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