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Aux couleurs de l’Amérique avec Jonathan Nott, l’OSR et Francesco Piemontesi

Trois grands compositeurs du siècle dernier et trois œuvres pour orchestre et piano qui ont toutes un rapport avec le continent américain : la confrontation fait sens au sein d'un album réunissant trois partenaires de renom, l', son chef et le pianiste , 3e prix au Concours Reine Elisabeth de Bruxelles en 2007.

Ravel est de retour d'une longue tournée aux États-Unis (1928) lorsqu'il commence à travailler à son Concerto en sol (1930-1932), les oreilles encore résonantes de cette nouvelle musique (le jazz) qu'il découvre in situ et dont il va irriguer son écriture. C'est la transparence des textures, la vitalité du son et la plasticité des échanges entre l'orchestre et le soliste qui séduisent dans la version de , même si le basson (qui ne semble pas français) fait le choix, dans l'Allegramente initial, d'un vibrato et d'un phrasé qui surprennent dans un contexte sonore par ailleurs irréprochable. allie la brillance à l'élégance du jeu, conduisant sa partie soliste, dans un Adagio assai qui avance, avec un naturel et une belle fluidité qui laisse apprécier la ciselure d'une écriture qui a donné tant de mal au compositeur. L'équilibre sonore est souverain entre le cor anglais et les arabesques du piano et laisse advenir l'émotion dans le retour du thème non moins soigné. Le troisième mouvement a toutes les qualités requises : légèreté des textures, acidulé des couleurs, précision des attaques et fulgurance du soliste dont l'articulation et la digitalité font merveille.

Des qualités qui se retrouvent dans les Oiseaux exotiques d', chef d'œuvre de la maturité dont la facture et l'esthétique regardent vers un autre orient. Messiaen met la main sur une collection de chants d'oiseaux américains enregistrés pour le Laboratoire d'ornithologie de Cornell University. Transcrits par le compositeur, ils constituent le matériau principal d'une partition. commandée par Pierre Boulez pour les concerts du Domaine Musical et créée en 1956 au Théâtre du Petit Marigny, sous la direction de Rudolf Albert et avec Yvonne Loriod au piano. On sent, sous la baguette de – qui fut, rappelons-le, à la tête de l'Ensemble Intercontemporain de 1995 à 2000 – ce plaisir du son et des alliages de timbre tout à la fois sensuels et richement colorés que l'ensemble orchestral privé de ses cordes fait magnifiquement sonner. Les figures sont légères sous les doigts du pianiste, irradiant leur lumière dans un esprit éminemment volatile. L'équilibre sonore est maintenu dans une partie centrale particulièrement complexe où se distinguent clairement la strate rythmique des percussions et celle, polyphonique, du charivari d'oiseaux. Les accords répétés de la fin, dans une plénitude qui nous comble, relèvent d'un geste quasi expérimental (Stockhausen n'est pas loin) dont Jonathan Nott maîtrise tous les enjeux.

est installé aux États-Unis depuis huit ans lorsqu'il écrit son Concerto pour piano (1942) qui sera créé à Los Angeles en 1944 par Leopold Stokowski aux côtés d'Eduard Steuermann et du NBC Symphony Orchestra. Il a déjà écrit son Concerto pour violon (1937), œuvre dodécaphonique comme le Concerto pour piano mais plus aventureux que lui, sur le plan de la forme, notamment. Avec ses quatre mouvements, Andante, Molto Allegro, Adagio et Giocoso, le concerto adopte le modèle de la sonate baroque, coulant une écriture moderniste dans un cadre ancien qui contraint son libre élan. C'est le piano qui conduit le discours dans le mouvement initial, exposant seul la thématique avant de se soumettre au travail motivique très exigeant, rappelant, dans ses configurations orchestrales audacieuses, les Variations op. 37 du maître viennois. À charge, pour le chef, de louvoyer entre rigueur et souplesse, sachant que le mouvement se construit entièrement sur les trois temps de la valse viennoise ! L'esprit du scherzo et sa fantaisie traversent le second mouvement, très court, presqu'une musique à programme qui se nourrit de ruptures et de contrastes dans l'interprétation de Jonathan Nott. C'est dans l'Adagio très expressif, toujours dominé par l'esprit de la variation, que Schoenberg ménage les deux passages solistes au piano, cadences aussi complexes qu'éloquentes sous les doigts fermes de , tandis que l'orchestre et sa mélodie de couleurs (Klangfarbenmelodie) joue pratiquement seul dans les interstices. Le Giocoso final tourne au pastiche, où Schoenberg prend ses distances face au modèle. Si le piano mène toujours la danse, le compositeur déploie une science de l'orchestration et une palette de couleurs étonnantes mettant au défi les forces de l' tout en dévoilant d'autres facettes du jeu virtuose de notre pianiste.

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