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Schéhérazade à l’ère de Me too, un parti pris audacieux à Radio France

Pour un spectacle qui s'adresse aux enfants à partir de 7 ans, l'actrice, metteuse en scène et autrice a conçu un texte qui met la barre très haut.

le disait lui-même, sa suite symphonique n'était pas spécialement conçue pour évoquer des images précises, malgré les titres de parties qu'il dut donner, mais plutôt pour susciter l'imagination de l'auditeur. On ne reprochera donc pas aux concepteurs de ce spectacle de ne pas avoir rejoué fidèlement l'un ou plusieurs des Contes des Mille et une nuits. Pas plus qu'on ne regrettera la réduction de la partition orchestrale pour six instruments, ou les nombreux raccourcissements et réagencements qu'elle subit, tant ces procédés sont fréquents dans l'Histoire de la musique.

Rimski Korsakov voulait évoquer l'Orient et son imaginaire. Mais hors ses mélodies désormais célèbres et les costumes et chapeaux que les deux comédiennes endossent ou portent à bout de bras pour figurer des personnages, il est très peu question d'Orient dans ce spectacle. On croisera bien le sultan Shahriar et sa jalousie légendaire, un mauvais génie rentrant dans sa bouteille ou encore Sindbad le marin (devenu trop vieux pour voyager). Mais il aura auparavant fallu passer par plusieurs strates d'un récit souvent abracadabrant : nous sommes d'abord en 3001, lors d'une émission de radio. On y apprend que Schéhérazade est réapparue, qu'elle a été vue à Paris dans une manifestation des Moizaussi, ces femmes qui protestent contre les hommes qui leur arrachent des baisers « et bien plus ». Retrouvée dans un club de jazz souterrain, elle raconte comment, après les mille et une nuits passées à raconter des histoires au sultan, elle a été amenée à se cacher et à fuir, et, devenant en somme un symbole de l'oppression masculine, à traverser l'espace et le temps pour venir se joindre aux féministes du futur.

C'est peu dire que les enfants sortent déçus d'un tel spectacle, qui malgré sa brièveté (trois quarts d'heure à peine), les a noyés sous une avalanche de mots agencés en une intrigue incompréhensible, le texte n'étant même pas racheté par des effets supposés comiques qui tombent le plus souvent à plat. Les adultes ne sont guère plus à la fête, eux qui espéraient faire retrouver ou découvrir aux plus jeunes cette matière d'Orient devenue une part de notre patrimoine culturel, rehaussée de la musique géniale de Rimski-Korsakov. Cette dernière heureusement est bien présente, et l'apparition du thème d'ouverture au violon sous les doigts de , après une trop longue introduction textuelle, sonne un peu comme un soulagement. La première solo de l' et ses acolytes (dont trois sont extérieurs à la Maison ronde) sont très investis et font vivre avec beaucoup d'habileté cette partition pourtant connue pour les nombreuses variations de sonorités orchestrales qu'elle permet de déployer. Ils aident à atténuer la déception et nous laissent avec de puissants vers d'oreille et l'envie de se (re)plonger dans une version complète et pour orchestre de Schéhérazade.

Spectacle largement décevant, donc, pour cette première occurrence de l'année dans la série des « Contes de la Maison ronde ». Le dernier spectacle jeune public de la saison dernière avait pourtant montré qu'il était possible d'aborder avec réussite des sujets d'actualité avec les enfants.

Crédits photographiques : © Lyodoh Kaneko

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