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À Stockholm, le Prix Birgit Nilsson remis à Yo-Yo Ma

Initié en 2009, avec une première édition qui récompensait le ténor espagnol Plácido Domingo, le Prix , remis désormais tous les quatre ans à Stockholm, honore cette année le grand violoncelliste Yo-Yo Ma, célébré pour l'ensemble de sa carrière et le rayonnement de sa personnalité charismatique.

Né à Paris de parents chinois, Yo-Yo Ma s'installe très tôt à New-York où il poursuit sa formation de violoncelliste (débutée à l'âge de quatre ans !) à la Juilliard School avec le très renommé Leonard Rose. Dès lors, il n'a de cesse d'élargir son univers sonore et de donner du sens à sa carrière de musicien : en tissant du lien avec tous les publics et dans tous les domaines de la culture. C'est avec ce désir d'échanges interculturels qu'il fonde en 1998 le Silk Road Project dont il est directeur artistique et interprète au sein d'un ensemble qui compte plus de soixante membres de vingt pays différents. Pendant 2000 ans, la « route de la soie » a relié la Chine à la Méditerranée, à travers l'Asie Centrale et le Moyen-Orient, un chemin qu'emprunte Yo-Yo Ma lors de ses concerts itinérants et à travers le multiculturalisme de ses programmes, pour sensibiliser à la culture les publics les plus éloignés des salles de concert. En même temps qu'une carrière exceptionnelle de soliste, le Prix Birgit Nilsson vient récompenser l'action sociale et humanitaire de l'artiste ainsi que son soutien envers les jeunes artistes qui débutent leur carrière.

Le concert et la remise du Prix ont lieu dans l'imposante salle (format « boîte à chaussures ») du Stockholm Konserthuset, espace bien sonnant où l'on a pu entendre Yo-Yo Ma, deux jours avant, dans un retentissant Concerto de Dvořák aux côtés du Kungliga Filharmonikerna et sous la baguette d'Alan Gilbert. Pour l'heure, c'est le qui a investi le plateau, dirigé par son chef permanent, l'excellent . La cérémonie est placée sous le haut patronage du couple royal – HM King Carl XVI Gustaf et Queen Silvia – dont l'arrivée s'accompagne de l'hymne suédois. Le programme de la soirée tourne autour des deux personnalités célébrées : d'une part, à travers les partitions vocales de Wagner et Strauss – rappelons qu'elle fut une Isolde et une Brunehilde autant qu'une Elektra d'élection ! Yo-Yo Ma d'autre part, avec la présence du violoncelle solo dans le concerto du compositeur suédois .

Après un court extrait vidéo où l'on voit la grande soprano dramatique endosser, et avec quelle majesté, le rôle d'Elisabeth dans « Dich, teure Halle », extrait de Tannhäuser, l'orchestre enchaîne avec « Einzug der Gäste » du même opéra, une page chorale d'une grande exaltation sollicitant, au côté de l'orchestre, les forces du Royal Swedish Opera Chorus.

Au micro pour nous parler des œuvres à l'affiche et assurer les enchaînements, reviennent à plusieurs reprises les deux acteurs principaux de la cérémonie : la soprano et présidente de la Fondation depuis 2019, Susanne Rydén et Stefan Forsberg, le directeur artistique du Royal Stockholm Philharmonic, heureux de nous présenter la Swedish Rhapsody n° 1 « Midsommarvaka » (Veillée d'été) de 1903, célèbre partition de son compatriote . C'est une sorte de poème symphonique évoquant diverses scènes/tableaux de son pays. La musique est colorée, truffée d'airs populaires et de mélodies plus nostalgiques, joliment orchestrée et jouée avec un bel entrain par les musiciens. La page chorale Der Abend de Richard Strauss sur un poème de Friedrich von Schiller est chantée a cappella par le conduit de main de maître par Kaspars Putninš qui en détaille avec beaucoup de soin la richesse polyphonique.

Sur scène, avant la remise de la statuette de bronze à Yo-Yo Ma, la pianiste britannique Kathryn Stott, fidèle partenaire du violoncelliste, retrace des souvenirs de concert avec cet interprète hors norme, mentionnant ses collaborations avec des artistes de tous bords, ceux du jazz et des musiques du monde notamment. Yo-Yo Ma, quant à lui, qui avait accordé le matin même deux heures d'échanges avec les journalistes, a préparé un long et généreux discours, rappelant les enjeux de sa carrière d'artiste et les liens profonds qu'il continue à tisser avec le monde qui l'entoure par le biais des concerts qu'il prodigue.

La musique contemporaine est au rendez-vous avec un extrait du Concerto pour violoncelle d'Andres Hillborg, présent dans les rangs du public. Superbement défendue par la Norvégienne Amalie Stalheim dont l'archet louvoie d'un registre à l'autre avec une souplesse admirable, la musique d'Hillborg se nourrit de contrastes, entre rugosité rythmique (pizz Bartók) et lyrisme éperdu, dans le continuum du flux musical et la transparence des textures.

Le final est flamboyant, réunissant sur scène le gotha des voix suédoises aux côtés d'un orchestre exaltant les couleurs straussiennes dans la dernière scène du Chevalier à la rose, fort bien menée par . Voix flexibles et superbement projetées, les sopranos et (Sophie et la Maréchale), la mezzo-soprano (Octavian) ainsi que le baryton dans la courte réplique du Baron nous enchantent, confirmant la vitalité florissante de la scène lyrique suédoise.

Crédit photographique : © Birgit Nilsson prize

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