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Nouveau sans faute de Rouvali dans les Symphonies n° 3 et n° 5 de Sibelius

Distinguée par une Clef d'or, l'interprétation de la Symphonie n° 1 (avec En Saga) par le chef finlandais souleva l'enthousiasme. Un enthousiasme renouvelé avec la Symphonie n° 2 (couplée avec le Roi Christian II). Le troisième volet de l'intégrale Sibelius de est tout aussi remarquable.

La couleur, la couleur… jusque dans l'impulsion rythmique ! Voilà la première impression que l'on ressent dès l'introduction de la Symphonie n°3. Tout bouge et scintille dans une captation qui nous place à quelques mètres des premiers violons. Le talent narratif de Rouvali, qui séduisit tant dans les deux précédents albums n'a pas faibli. Le tempo Allegro molto densifie une superbe texture sonore. C'est à la fois léger et précis dans la création d'un pastoralisme imaginaire. Le parfait équilibre se maintient sans que les traits soient forcés dans les quelques éclats des vents qui annoncent la Symphonie n° 5. Le caractère épuré du mouvement central glorifie la mélodie portée par un accompagnement rythmiquement délicat mais dont on oublie la complexité pour ne retenir que l'élégance presque pudique de la lecture. Tout aussi délicat, le premier accord du finale est lancé comme une interrogation. Les multiples évènements s'enchaînent alors dans une frénésie tenue comme s'il s'agissait d'une symphonie classique, “à la Haydn”. Toutes les couleurs s'échelonnent dans la profondeur de l'orchestre et Rouvali organise le flux dans une sorte de va-et-vient qui décante de manière fort habile l'idée que l'on avait, a priori, d'un finale austère. Sous une telle baguette, la symphonie prend les allures d'un concerto grosso… 

L'immense Symphonie n° 5 op. 82 fut achevée durant la Première Guerre mondiale. Sibelius n'avait pas quitté la Scandinavie. La partition connut une véritable métamorphose entre 1915 et sa publication en 1919 (à l'origine, la symphonie comportait quatre et non trois mouvements), les révisions succédant aux révisions. Entre-temps, la Révolution russe avait permis à la Finlande d'acquérir son indépendance. La musique témoigne d'un lyrisme extraordinaire, d'une confiance dans un avenir radieux pour le pays. Mais, que d'épisodes chargés de menaces ! Rouvali ne surcharge nullement la partition. Il utilise une dynamique extrême sans perdre quelques étonnants motifs de danse qui s'insèrent avec une logique parfaite. Petit à petit, la “brume” disparaît dans une palpitation digne de la Chevauchée nocturne et lever de soleil op. 55 dont les interprètes pourraient, à l'avenir, nous offrir une lecture passionnante… Implacable et magistral. Le mouvement central – Andante mosso, quasi allegretto – est un thème suivi de variations. Ce sont des figures simples en regard de la complexité du mouvement précédent. La belle lumière dans la tonalité dominante de sol majeur suggère qu'un nouveau jour va bientôt naître. Les charmants pizzicati des cordes, les petites notes piquées aux bois, le climat pastoral de l'ensemble à peine assombri au cœur de l'Andante annonce déjà la renaissance du finale. Que c'est bien réalisé ! Il faut saluer la précision des nuances dans les pianissimi, la concentration des pupitres qui “voient” loin. Le finale, précisément, Allegro molto puis Largamente assai est un hymne à la vie, sidérant d'énergie dès les premiers accords. Quelle mise en place ! Quelle souplesse ! Tout vibre et chante dans un espace qui ne cesse de s'ouvrir et sous la tension heureuse d'un rythme ostinato. Nous voici aux confins des légendes des dieux nordiques victorieux, qui conduisent le peuple dans un choral de cuivres grandiose. L'orchestre est sur le fil du rasoir, dansant sur un brasier, les voix s'unissant progressivement dans un chant de louange d'une sensualité dont on ne se souvenait plus. Comment ne pas applaudir ?

Composée en 1906, la fantaisie symphonique, La Fille de Pohjola s'inspire d'un épisode d'épopée populaire du Kalevala. Le barde et magicien Väinämöinen est le héros de cette légende. Il découvre une jeune fille, Pohjola, à sa fenêtre. Elle tisse une tapisserie d'or. Il en tombe amoureux. Un amour non payé en retour puisque la belle, d'un cœur de glace, joue de la passion qu'elle suscite pour que ses prétendants acceptent d'insurmontables défis comme celui qui consiste à construire une barque avec des débris de son fuseau. Väinämöinen se rend compte à temps de l'absurdité des taches, de l'inutilité de son pouvoir de magicien. Le cœur gros, il poursuit son chemin. D'une puissance expressive et rythmique remarquable, la musique fait appel à un orchestre imposant avec les bois par trois, quatre cors, quatre trompettes, trois trombones, un tuba, les timbales et la harpe. L'œuvre est un jeu de métamorphoses, à la fois de couleurs et de rythmes qui symbolisent les différents états psychologiques des personnages. L'imbrication de tous les éléments nous paraît à nouveau naturelle : il ne peut en aller autrement tant la réalisation est belle et explicite.

Il est réjouissant que dans ce répertoire fort bien représenté au disque, de nouveaux interprètes possèdent une technique à ce point accomplie et au service d'un imaginaire aussi poétique.

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