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Lea Desandre et Thomas Dunford dans une soirée « grand siècle » à Strasbourg

Faire un récital d'airs galants du XVIIᵉ siècle avec un simple luth dans la grande salle de l'Opéra, c'est un pari qui n'était pas gagné d'avance. Mais avec le talent et l'adresse de et , tous les problèmes se dissolvent et le plaisir triomphe.


Le programme est composé de bergerettes et de pastourelles bien distinguées, sans aucune de ces gaillardises qui pourtant ne manquaient pas fin du XVIIᵉ siècle. À côté des compositeurs bien connus comme et , on découvre et , dans des pièces d'une sensibilité et d'une poésie admirables. les interprète avec une voix voluptueuse, riche d'ambre et de velours, et une diction parfaite. On comprend chaque mot sans appui excessif. La ligne est douce, le souffle long, les couleurs et les nuances exquises. Avec un instrument pareil, il lui est facile de charger ses notes de nombreux affects, tristesse ou joie, impatience ou lamentation, voire méditation, ce qu'elle fait avec le meilleur goût qui soit. On échappe ainsi complètement à la mièvrerie, qui n'est jamais loin dans ce répertoire, et même au ridicule, où il serait si facile de tomber avec des phrases comme « Auprès du feu on fait l'amour » ou « ma bergère aime mieux son chien, son troupeau… ». Au contraire, on touche à de très belles évocations des mouvements du cœur et de l'esprit, et on se promène avec bonheur dans une Carte du Tendre musicale, sincère et étonnamment actuelle.

offre à cette voix de miel et d'épices un écrin de délicatesse et de raffinement, et suffisamment audible pour enrichir ses intentions. Le programme lui accorde également de nombreux morceaux en solo, dont une remarquable adaptation pour luth de la pièce pour viole de gambe de Les voix humaines, où il produit non seulement un beau cantabile, mais aussi l'illusion de deux voix en dialogue.

Après une heure de charmes rococos, on atteint dans les bis les plus hauts sommets de la soirée. À Chloris de Reynaldo Hahn, n'a jamais été si bien placé dans son pseudo-baroque qu'avec un luth, et la sobriété des effets, la netteté des mots chantés par notre mezzo-soprano lui confèrent une émotion rare. Avec Barbara et sa chanson Dis, quand reviendras-tu, déroule un cantar parlando de la plus haute tenue, où chaque mot s'enflamme d'émotion dans une ligne de chant d'une pureté absolue. Du très grand chant, et une très belle charge poétique. De toute évidence, Lea Desandre a un destin qui l'attend dans la mélodie française. Le tandem qu'elle forme avec est certes sympathique et très convaincant, mais il lui faut désormais un pianiste d'un aussi bon niveau, pour servir Fauré, Ravel, Roussel, etc…

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