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Robyn Orlin, un solo coup de poing à Chaillot

transmet à l'interprète son solo originel in a corner the sky surrenders… créé en 1994. Un seul en scène en réponse à l'extrême pauvreté de la rue et à l'impossibilité pour la chorégraphe sud-africaine de répéter dans un lieu digne de ce nom. A revoir à Chaillot – Théâtre national de la danse, le premier spectacle coup de poing d'une carrière militante et prolifique.

Si elle a démarré sa carrière en 1994 avec ce solo coup de poing, réalisé avec un carton, semblable aux abris de fortune des « sans domicile fixe », ce n'est en 2003 que  remporte une reconnaissance internationale avec le Laurence Olivier Award décerné à son spectacle Daddy, I have seen this piece 6 times before and I still don't know why they're hurting each other. La chorégraphe ne cessera dès lors de dénoncer le racisme en Afrique du Sud, dont elle est originaire.

Avec in a corner… le spectateur est amené à s'interroger sur la précarité. La scène est occupée par un carton suffisamment grand pour y faire entrer une personne. Tout au long de ce carton sont fixées des lumières qui serviront d'appuis au jeu et d'uniques projecteurs. À jardin et à cour, à vue, des techniciens actionnent ces petites lumières et une bande son faite de bruitages. A l'avant-scène une maquette de locomotive qui occupe le proscenium tournera sur un petit circuit tout le long du spectacle.

Le solo a été retravaillé à l'occasion de ces représentations à Chaillot – Théâtre national de la danse. l'a transmis à , formée au CCN de Montpellier et qui a parcouru le monde entier avec différents chorégraphes. L'interprète d', mais aussi de , est aussi chorégraphe et s'essaie à créer des liens de formation entre la France et la Côte d'Ivoire avec sa compagnie récemment formée : Libr'Arts.

Avant de manipuler le grand carton et de révéler les possibilités créatrices permises par le dispositif, arbore une tenue colorée et encombrante qu'elle exhibe fièrement. La performance n'est pas sans rappeler les concours d'élégance vestimentaire déjà mis en scène par Robyn Orlin dans Dressed to Kill… Killed to Dress… La danseuse s'empare ensuite du dispositif de carton, revenu à la mémoire de Robyn Orlin pendant le récent confinement et lors d'une visite autour des blocs de ciment du mémorial juif.

Nadia Beugré s'amuse parfois des relations de domination et appelle ainsi le public à venir la masser, créant une scène qui renverse les rôles mais aussi les statuts. Dans un moment sombre, la danseuse sans abri est prise de démence et l'on entend un moustique qui l'empêche de trouver le sommeil. Le bruit se fait entêtant et l'interprète s'approche d'une folie poignante. Les Érinyes, ces divinités persécutrices de la mythologie grecque, s'emparent de la danseuse et créent un point de bascule en écho aux bruits de train diffusés sur scène. L'habitation de carton détruit toute raison, installée au bord de voies de chemin de fer, elle ne protège de rien et n'appelle que des gestes de désespoir. Dans une ultime litanie, Nadia Beugré s'adresse en filigrane aux voyageurs que nous sommes et avons été durant la pièce : il faut sauver ce qui reste à sauver, à notre tour.

Crédits photographiques : © François Kohl

 

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