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Riccardo Muti dans la Missa solemnis de Beethoven : le bruit et la fureur

Enregistrée en 2021 à l'occasion du centenaire du festival de Salzbourg, cette Missa solemnis de Beethoven dirigée par , à la tête de l' déçoit amèrement malgré la notoriété des intervenants.

Que de superlatifs n'ont-ils pas été employés pour qualifier cette Messe hors norme, composée entre 1818 et 1823, dédiée à son élève l'archiduc Rodolphe, toute entière élevée à la gloire de la musique, de l'homme et de Dieu, tous trois réunis par le maitre de Bonn dans un même chef-d'œuvre incomparable, gigantesque à la fois par ses dimensions colossales comme par sa profondeur d'inspiration. Une œuvre qui mêle théâtralité et spiritualité constituant un véritable défi pour tous les chefs qui s'y sont confrontés à tel point que Furtwängler l'étudia toute sa vie mais n'osa plus la diriger après 1930…

Une œuvre d'exécution difficile qui exige un engagement complet de la part des solistes, du chœur… et du chef ! Force est de reconnaitre que échoue à s'élever au niveau de la tâche, demeurant sans inspiration, le nez dans la partition, prodiguant une direction approximative, sans aucune nuance qui se réduit à quelques effets de mèche ! Si les premières mesures du Kyrie, purement instrumentales séduisent par leur ferveur comme par le legato et le soyeux des cordes des Wiener Philharmoniker (ce sera le seul moment où nous aurons la joie de les entendre…) l'enchantement rapidement s'étiole pour laisser place à la plus grande confusion et à la foire d'empoigne dès l'entrée des solistes et du chœur : dès lors le chœur de l'Opéra de Vienne, dont la polyphonie semble bien opaque, variant les nuances du forte au fortissimo, échappe à tout contrôle en emportant tout sur son passage, couvrant les solistes qui deviennent parfaitement inaudibles malgré de douloureux efforts prodigués pour forcer leur voix dans le bruit et la fureur environnants, tandis que l'orchestre pointe malheureusement aux abonnés absents, réduit à un mince soutien rythmique. Dans cette cacophonie, la poignante supplication du Kyrie se transforme rapidement en vocifération tandis que la majesté du Gloria est pénalisée par une accablante lourdeur qui gomme totalement l'imploration douloureuse du Qui tollis peccata mundi. Le Credo, hélas, n'est pas mieux loti, manquant de couleurs, strictement monochrome, sans fulgurance paroxystique ni intériorisation mystérieuse, chacun jouant pour soi dans ce magma sonore… Alors, on s'interroge ? Défaut de balance au niveau de la prise de son ou mauvaise gestion des équilibres entre orchestre, chœur et solistes, on ne saurait se prononcer tant on reste ébahi devant cette interprétation calamiteuse déroutante qui signe à l'évidence un manque de préparation du chef italien, pourtant reconnu à juste titre comme un grand chef d'opéra !

Il faudra attendre le Sanctus et le Benedictus pour reprendre un peu pied, seul mouvement où l'orchestre refait un peu surface (altos, flûte et clarinette) d'où émerge péniblement le chant éthéré du violon solo et les interventions du quatuor vocal. L'Agnus dei, plus convaincant, regroupe enfin les forces en présence (chœur, solistes et orchestre) dans un semblant d'équilibre empreint d'angoisse, de supplication puis de sérénité où se démarquent clairement les fanfares et un quatuor vocal de haute tenue constitué de la soprano , de la contralto , du ténor et de la basse pour lesquels il est bien difficile compte tenu des circonstances de donner une quelconque appréciation et qui doivent amèrement regretter de s'être laissés embarquer dans une telle galère… Dommage !

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