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La Bohême au Capitole : ça c’est Paris !

La nouvelle production de La Bohème du Capitole transpose l'œuvre dans le temps sans la dénaturer tandis que la fraicheur de la distribution vocale s'inscrit pleinement dans la jeunesse parisienne de Mürger et Puccini.


« Ça c'est Paris » nous chante dans les rues d'un mythique marché aux puces une Musetta prenant les traits de la célèbre Mistinguett : un prologue créé de toutes pièces par et qui signent à la fois la mise en scène, les décors et les costumes de cette nouvelle production. Dans cette ambiance des Années folles, l'accordéon est évidemment de mise, Michel Glasko accompagnant la chanteuse ou jouant seul sur les toits de Paris un peu plus tard dans le spectacle.

La finesse de cette transposition – l'intrigue initiale de Henri Mürger se déroule dans les années 1840 -, s'allie à la subtilité des clins d'œil réguliers d'une certaine distanciation menée par Barbe & Doucet. L'effervescence typique des années 1920 s'opère dans un cadre de carte postale subtilement intégré dans les différents plans du superbe décor avec cependant plusieurs incursions au XXIe siècle (un agent de sécurité par exemple ou des touristes armés d'appareils photos et de casquettes) qui ponctuent cette atmosphère bien particulière. Les références sont nombreuses et alimentent une connivence certaine avec un public conquit par la qualité des costumes et la maîtrise des lumières. Ainsi croit on apercevoir dans la foule Jean Cocteau, Pablo Picasso, Serge Diaghilev, Gertrude Stein, ou Ida Rubinstein dans une rue où l'institution bien connue « Chez Louisette » devient le lieu de rencontres du groupe d'amis de Mimi, et ou la Vénus de Lespugue (dont on commémore en Haute-Garonne les 100 ans de sa découverte) trône continuellement sur la table de l'intérieur des deux artistes.

Une attention particulière est portée à la direction d'acteurs, notamment dans les scènes de foules, fanfare ou parade. Les « titis » parisiens prennent même vie au sein du Chœur de l'Opéra national de Toulouse où les chanteurs s'investissent pleinement avec justesse et entrain. Les scènes plus intimistes dans la mansarde du peintre Marcello et du poète Rodolfo s'installent en plein milieu de la rue avec un naturel évident, cette mise en scène utilisant l'une des armoires d'un antiquaire comme porte d'entrée, sans que cet imaginaire contredise le réalisme idéalisé de cette Bohème.


Notre Mimi est déjà mourante quand nous la rencontrons pour la première fois dans ce prologue animé. Le crane chauve et le teint blafard, la jeune femme passe d'observatrice aux côtés des quatre joyeux compères face à leur propriétaire mécontent – amusant qui prendra également avec la même énergie les traits d'Alcindoro -, au rôle central grâce à l'amour de son Rodolfo, et finira par disparaître comme par magie après son dernier souffle. Anaïs Constant tient son rôle sans pathos mais avec beaucoup de sensibilité, portée par la pureté de son timbre et une émission très précise pour un personnage vibrant d'une belle intensité musicale et dramatique. A ses côtés, le Rodolfo d' souffre quelque peu d'un orchestre massif et imposant que la baguette du jeune chef ne sait pas suffisamment contenir. L'Orchestre national du Capitole démontre tout au long de la représentation une vivacité heureuse dans les passages festifs alors que les moments plus intimistes mériteraient plus de mesure pour maintenir l'équilibre avec le plateau.

Le comique du couple Musetta-Marcello, face au romantisme du duo Mimi-Rodolfo, est mené avec intelligence et fougue, sans caricaturer ce couple haut en couleur. , qui nous avait émerveillé l'année dernière sur cette scène à la même époque, traduit la gouaille de sa Musetta avec toute la finesse qu'on lui connaît. Sa ligne de chant est dotée d'une agréable souplesse alors que les medium de la soprano sont tendres et pleins de charmes. Sous les traits de Marcello, emporte les suffrages grâce à une conviction scénique sans faille et un chant naturel qui allie une palette expressive riche de la beauté d'un timbre superbe. en Colline marque également les esprits lors de sa scène aussi fugace qu'attendrissante, « Vecchia zimarra », par sa voix profonde et sa diction parfaitement maîtrisée. L'expressivité du chant d' (Schaunard) s'exprime par un baryton chaud qui fait jaillir l'esprit vif et la nature chaleureuse du quatrième larron qu'il dépeint, complétant idéalement la distribution pour cette jeunesse fougueuse !

Crédits photographiques : © Mirco Magliocca

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